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Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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laquelle Vous m’avez élevé. Mais quand je rentre dans mon cœur, le génie de l’amitié me dit: C’est mon ouvrage. C’est moi qui t’ai rapproché d’Alexandre; c’est moi qui ai uni son âme à la tienne, c’est moi qui lui dis sans cesse que tu l’aimes, que tu ne peux que l’aimer. – Alors je comprends tout. Isolé de ce qui nous entoure l’un et l’autre, mettant le monde de côté et tous ses petites tracasseries, je conçois que mon Bien-Aimé m’accorde tant de confiance, qu’il écoute mes avis, qu’il les suive quelquefois. Je conçois que j’aie pu me jeter dans des affaires si hétérogènes à moi-même, que je puisse donner à mes idées tant de directions nouvelles. Mon Héros! Vous m’aviez élevé moralement, intellectuellement, de toutes les manières. Je Vous dois le sentiment délicieux d’avoir vécu avant de mourir.

Je Vous ai parlé ces derniers temps des affaires étrangères. Laissez-moi à présent rentrer dans notre intérieur, dans le Vôtre. C’est où je me trouve le mieux. Je veux Vous parler de Votre vie privée, de l’emploi de Votre temps. Votre tâche est immense. La journée se termine pour Vous toujours trop tôt. Laissez-moi Vous dire comment Vous pouvez la prolonger.

Vous dînez tard, la soirée se trouve morcelée, dissipée pour les occupations de la journée. Vous Vous couchez tard, et Vous ne pouvez par conséquent Vous lever matin. L’heure matinale, cette heure que les Dieux ont donnée à l’homme pour jouir de la plus sublime partie de son existence, pour voir avec justesse, pour sentir avec grandeur, pour agir avec force. Cette heure ne tient jamais pour mon Alexandre! Vous en avez pourtant bien besoin. Le rôle que la divinité Vous a imposé, Vous le jouez sans préparation. Est-il étonnant que Vous ne soyez pas heureux? Vous Vous sentez des forces, mais elles sont amorties. Vous voyez le poids que Vous avez à porter; le levier est dans Votre arme, mais Votre main ne saisit pas l’extrémité avantageuse. La présomption seule peut dire: Je maîtrise les heures. L’homme le plus grand, le plus fort est leur esclave. L’ordre qu’il y met décide de son existence. En vain il regimbe contre les circonstances. Elles le domineront. L’habitude est une maîtresse adroite qui saisit l’homme dans ses instants faibles qui s’empare de son âme alors qu’il croit lui commander. Son empire est d’autant plus terrible qu’il ne paraît pas en dehors. Prenez donc une bonne habitude, à qui Vous puissiez Vous confier dans tous les instants de la vie. Je sais par mon propre expérience combien il en coûte de se soumettre à un nouveau maître. Et c’est pourquoi je Vous parle avec toute la chaleur, avec toute l’effusion de mon cœur. Mon Bien-Aimé! Ce que je Vous demande est le plus beau triomphe de la tendre amitié.

Dieu puissant! Dieu bon! Accorde-moi ce triomphe. Accorde-le à mon Alexandre. Il est ta plus belle image sur la terre. Il adore tes lois. Enseigne-Lui à les observer.

Lu ensemble le soir du Lundi, le 22 Janvier 1806

Annexe

Sur la situation politique de la Russie en Janvier 1806 1

Il n’existe plus que deux puissances sur le continent de l’Europe. La dernière campagne a assuré pour un temps à la France une prépondérance décidée, qu’elle tâchera de soutenir contre la Russie, favorisée par sa position militaire. La prise de l’Istrie et de la Dalmatie dévoilerait les vues du conquérant, si elles n’étaient pas déjà claires à quiconque a balancé les intérêts de la France et de l’Angleterre. La Russie riche de tant de ressources pourrait être indifférente à ces intérêts si sa position géographique ne la mettait pas à présent en relation directe avec la France.

Le moment est critique et exige des mesures bien calculés, promptes et vigoureuses. L’intérêt de la France est de dominer la Méditerranée et de faire le commerce du Levant par cette mer et celui de l’Orient par l’Égypte. L’ambition de Bonaparte est d’humilier l’Angleterre, et d’immortaliser son nom en donnant à l’ancien monde une nouvelle forme politique et commerciale, à qui se joignent encore quelques vues favorites dont il a donné les premières idées lors de la conquête de l’Égypte.

Des essais, vrais ou simulés, ont dû le persuader que l’Angleterre ne peut pas être vaincue sur mer, et c’est sur ses forces de terre qu’il base à présent, peut-être depuis longtemps, ses opérations. Ses moyens sont vastes et bien calculés. Ses armées, accoutumées à de grandes opérations, et ivres des projets gigantesques de leur chef, sont aux portes de la Turquie. Les habitants des côtes vénitiennes, les meilleurs corsaires de l’Europe, favoriseront la célérité des transports. La Turquie désorganisée, exposée à des révoltes journalières en temps de paix ne trouvera dans son gouvernement aucun moyen de défense. L’esprit révolutionnaire servira de levier au conquérant pour gagner cette nation dont une grande partie, les grecs, impatients du joug mahometan, se rallieront sous les drapeaux de la France. Les Arnoutes, peuple inquiet et belliqueux, voyant dans la guerre des moyens de pillage, renforceront ses armées2. Les passages de l’Albanie et de la Macédoine, ouverts au premier venu sont un rempart presque invincible contre les attaques d’une armée à l’Est. La connaissance intime du terrain, acquise par les ingénieurs français qui ont de tout temps travaillé la position militaire de la Turquie, mettra dans les opérations des armées françaises la même précision qu’on a vue dans leurs opérations en Allemagne.

La Turquie européenne donc être regardée comme perdue, et par conséquent comme le point de contact entre la Russie et la France. L’Angleterre ne peut être que spectatrice de ce grand événement et laissera à la Russie le soin, les frais et les risques d’une guerre nouvelle; l’Autriche anéantie et vraisemblablement alliée de la France par un traité secret qui la dédommagera en Turquie de ses pertes en Allemagne, sera tout au moins neutre. La Hongrie approvisionnera les armées françaises. La Prusse humiliée, regimbant contre l’aiguillon, mais cédant à l’appas

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