Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев
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Mais examinons un moment les éléments nécessaires à une constitution représentative, qui réunisse la liberté du peuple à la fermeté d’une administration monarchique.
Le premier de ces éléments est ce qu’on nommait en France le tiers-état, c.à.d. de nombreuses villes peuplées de bourgeois, gouvernées intérieurement par une constitution municipale, et un corps de cultivateurs qui n’appartiennent qu’à eux-mêmes et tout au plus attachés à la glèbe. Avez-Vous ce tiers-état en Russie? Vous avez des villes, à la vérité; mais la majeure partie de leur population est composée de serfs à qui les seigneurs permettent de s’établir où ils veulent moyennant l’Obrok. Ces gens-là ne sont pas des citoyens; ce ne sont pas des bourgeois de Hambourg, de Lubeck, Danzig, Frankfort, Amsterdam, Paris, Marseille, Rouen, comme on les trouvait au quinzième et seizième siècle. Ils sont la propriété des seigneurs qui peuvent les précipiter du faîte de leur bien-être actuel en les renvoyant à la charrue.
Une autre condition qu’une constitution représentative exige, c’est qu’elle ressorte des lumières et des besoins physiques et intellectuels de la nation; c’est à dire qu’elle se fasse d’elle-même et lentement; et je suis persuadé que la Russie aura besoin d’un siècle encore pour y parvenir, si tout est que cet assemblage disparate de nations et de peuplades soit susceptible d’une constitution hors celle qui égalise tout. Ne Vous aveuglez pas sur les lumières des Russes; le peuple n’a encore rien de la civilisation nécessaire, et ce qu’on nomme la partie éclairée de la nation n’offre que l’aspect des lumières entées immédiatement sur la barbarie et n’est pas capable d’une révolution pacifique. Pierre Ier en est cause; il a proprement mis le feu à la civilisation des Russes. Catherine II est entrée dans ses vues et Vous a laissé au lieu d’un granite poli un morceau de bois vernissé. Vous par contre avez pris le meilleur parti, celui d’instruire solidement Votre nation et de donner des mœurs à ceux qui la gouvernent. Tenez y ferme et n’oubliez pas le défaut interne des Universités russes, que je Vous ai décelé, qui éloigne la confiance et favorise le demi-savoir4. Rappelez-Vous les idées que je Vous ai communiquées lorsque Vous Vous croirez à même de détruire Votre propre ouvrage pour le refondre.
Le troisième élément nécessaire à une constitution représentative, c’est le respect pour la loi. Vous la trouverez peut-être jusqu’à un certain point dans le gros de la nation russe, mais sûrement pas dans ceux qui la gouvernent, depuis le ministre jusqu’au copiste de chancellerie. Or ce respect pour la loi ne peut naître que de la stabilité des lois. Le Monarque est en Russie la source des lois. Mais il faut qu’elle ne coule que lentement et dans un lit bien limité. Si elle se dissémine en ruisseaux, si elle prend des directions opposées, alors elle perdra son apparence et sa pureté et ne formera qu’un marais. Vous voulez former un code de lois russe et Vous avez bien raison. Dieu veuille qu’il atteigne le but de faire respecter la loi! Mais Vous sentez de toute façon que, même après que Vous aurez Votre code, il faudra du temps pour l’effet que Vous en attendez. Ce respect est une coutume et les coutumes ne viennent que lentement.
Ces raisons réunies doivent, Sire, Vous engager à conserver la constitution despotique; non comme Votre propre héritage, mais comme l’héritage de Votre nation. Qu’elle Vous soit sacrée aussi longtemps qu’elle sera nécessaire! Travaillez cependant à inculquer à Votre peuple ces lumières douces et solides qui éclairent sans éblouir. Vous ne travaillez pas pour la gloire mais pour le bien. Ainsi contentez-Vous, mon Héros! de donner à la Russie le bonheur dont elle est susceptible sous Votre règne, et la postérité Vous rendra sûrement justice si les contemporains Vous la refusent. Ne m’objectez pas ce que je fais moi-même pour assurer la personne et la propriété du paysan livonien comme un fruit prématuré d’après mes propres principes. Le mot de liberté ne sera pas prononcé dans cette affaire, mais elle sera la source du bonheur de ce petit peuple.
Regardez, ô mon Alexandre! cette lettre comme une espèce de testament. Qui sait quand j’aurai le bonheur de Vous revoir?
Tout entier Votre Parrot
72. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Dorpat], 5 juin 1805
Sire!
Me voilà rentré dans ma cellule, rendu à mes devoirs primitifs. J’y ai apporté une masse de bonheur immense, dont Vous, Vous seul êtes la source. Mon séjour à Pétersbourg m’apparaît comme un de ces rêves délicieux qu’on ne quitte qu’à regret en s’éveillant, qu’on voudrait prolonger, échanger contre la réalité. J’ai oublié tout ce que j’ai souffert; je ne vois plus que mon Alexandre, cet homme chéri, qui sait aimer les hommes, qui m’aime! Mon Bienfaiteur! Mon Héros! M’aimerez-Vous toujours? – C’est un blasphème de Vous faire cette question, après cette soirée délicieuse, unique, où nos âmes pour la dernière fois s’épanchèrent l’une dans l’autre avec cette effusion sans bornes dont la nature nous a rendue capables. Oui, je le sens, Vous m’aimerez, tant que la vertu sera mon idole. Elle est le Vôtre, et Votre cœur, le plus pur autel que la nature lui ait élevé, conservera le souvenir de Votre ami. – Je suis heureux; la seule prière que j’aie à Vous faire, c’est que Vous ne cherchiez jamais à changer les relations extérieures où nous nous trouvons l’un envers l’autre. Conservez-Vous pour toujours un ami sur lequel les événements n’aient point de prise, qui ne puisse jamais Vous paraître suspect, un ami qui Vous reste sous tous les rapports, qui puisse toujours fixer Vos regards non seulement avec la candeur de l’innocence mais