Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев
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Le travail que Vous avez est immense. L’intérieur dans tous les départements exige Vos soins. Les relations extérieures veulent une attention et un travail continus. Le militaire doit être régénéré dans toutes ses branches. Pour suffire à tout il Vous faudrait dans ce moment être plus qu’homme, dénué comme Vous êtes de vrais travailleurs. La plus grande tâche retombe sur Vous, et Vous n’avez pas encore trouvé le moyen d’introduire dans Vos propres travaux cet ordre sévère qui profite de tous les instants et rend le travail facile et surtout fertile. Votre condescendance pour les autres Vous fait revenir plusieurs fois sur le même objet, et double ou triple la peine. Commencez par introduire cet ordre vrai, immuable dont je Vous parle. Vous Vous étonnerez du temps que Vous gagnerez, Vous serez à même de juger à coup sûr du temps que d’autres doivent mettre aux affaires, et Vous les forcerez à introduire chez eux le même ordre qu’on ne connait pas en Russie. Ne craignez pas en ceci la pédanterie. Quand il s’agit de l’ordre il est difficile d’être pédant. Voilà pourquoi je Vous ai prié si souvent de Vous rapprocher Klinger, de l’employer là où sa sévérité serait d’une grande utilité. <J’ignore les raisons que Vous aviez de ne pas le faire. Elles doivent être de poids puisque Vous ne l’avez pas fait.>
Je vais à présent Vous faire une autre proposition. Je Vous le fais à regret, puisqu’elle me concerne, et qu’elle déteint toutes les espérances que je m’étais faites de passer le reste de ma vie au sein d’une science que j’aime, dans la vocation heureuse où je me trouve, la seule qui me promette des jouissances pour moi et ma famille et de la célébrité. Je la fais à regret parce que dès que je rapprocherai de Vous je ne pourrai plus être Votre ami dans ce sens absolu dans lequel je le suis à présent. Aujourd’hui je suis libre; je suis encore dans la sphère dans laquelle Vous m’avez trouvé. Je ne Vous dois que le sentiment ineffable, unique de pouvoir Vous aimer au-delà de tout. Vous m’avez comblé de jouissances auxquelles l’égoïsme n’avait nulle part; elles n’intéressent que le cœur. Dès que je change de situation je perds à coup sûr cet avantage inappréciable qui seul pouvait faire franchir à mon cœur l’intervalle immense que le sort a mis entre nous. Dès ce moment je cesse d’être à Vos yeux l’homme qui ne peut pas Vous être infidèle; la possibilité du soupçon de Votre part s’établit. Je voulais l’éloigner à jamais, cette possibilité, je voulais Vous conserver un homme dont le cœur Vous consolât des pertes que je prévoyais que Votre cœur ferait. Voilà pourquoi je Vous ai prié, conjuré, de ne m’accorder jamais aucun soi-disant Bienfait. <Voilà pourquoi j’étais fâché que Vous ayez cédé lorsqu’on Vous proposa de me décorer d’une croix5; cette première distinction me paraissait être le prédécesseur d’autres.> Aujourd’hui je suis forcé de changer, d’abandonner mon idée favorite qui faisait et consolidait mon bonheur, et je Vous dis: Rapprochez-moi de Vous. Faites-moi Votre secrétaire particulier, pour Vous soulager dans Votre travail, pour Vous préparer Votre ouvrage journalier, pour mettre et soutenir un ordre rigoureux dans Votre chancellerie, pour rendre Votre temps plus fertile, pour Vous rappeler les objets que Vous confiez à Votre mémoire qui ne peut Vous être fidèle dans la foule des objets qui l’obsèdent, pour voir à Votre place maint objet que jamais un Empereur n’a pu voir. Je n’ai besoin pour cela ni de grands appointements ni de décorations ni de titres. Le rang que j’ai suffit, l’ordre de Wladimir me décore assez, et pourvu que je puisse fournir au nécessaire et entretenir mes fils à Dorpat je suis assez riche. – Il m’en coûte de Vous faire cette proposition plus que je ne puis Vous dire. Je perds essentiellement au change, je m’expose peut-être pour l’avenir à mes propres reproches, je hasarde le bien-être de ma famille, et je ne quitterai ma heureuse existence à Dorpat (et mon fidèle Krause) qu’en versant des larmes, encore incertain si je pourrai faire auprès de Vous le bien que je voudrais faire. Mais je Vous aime plus que moi-même, plus que ma famille, plus que mes amis, et mon parti est pris. – Je connais toutes les raisons qui Vous feront hésiter à y accéder: mes relations personnelles à Pétersbourg, mon défaut de connaissance de Votre langue, mon tempérament etc.; je les ai pesées toutes. Répondez-moi, simplement oui ou non, et comptez fermement que si Vous me répondez que non, ce sera pour moi une preuve non équivoque de Votre amitié, pour Vous un nouveau droit à ma reconnaissance. Mais ici il ne s’agit pas de moi.
Je suis ému en terminant cette lettre; je sens l’immensité de la tâche que je m’impose. Me rapprocher de Vous est pour moi la chose la plus sacrée. Dieu puissant! Dieu bon! Fais que je ne m’en repente pas!
P. S.
Je Vous rappelle l’objet de ma dernière lettre. Rendez au public l’ouvrage sur les livoniens et les estoniens, protégez l’auteur, soutenez la censure de Dorpat. Vous avez Vous-même senti que cela doit être, et il est assez triste qu’une pareille confiscation ait pu avoir lieu sous Votre règne. Abandonner cette affaire à l’intolérance politique c’est vouloir ternir aux yeux de l’Europe Votre mérite pour l’instruction publique. N’oubliez pas que cette partie de Votre règne Vous appartient exclusivement. Ne me soupçonnez pas de partialité en ceci. Vous savez