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Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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plus condescendant, Vous l’avez été trop longtemps. Votre expérience doit Vous avoir persuadé qu’on ne règne pas par des ménagements. Cette campagne est glorieuse, la fin de la campagne est désavantageuse, quelque soit le traité de paix. Ce n’est pas la faute de Votre armée ni la Vôtre. Vous et elle avez fait tout ce qui était humainement possible pour assurer un succès complet. La faute gît dans l’intérieur, dans les entrailles du gouvernement beaucoup trop relâché pour une aussi forte émotion que la guerre présente. Vous avez manqué de fusils, de poudre, de boulets, de canons peut-être, tandis que Vous avez d’énormes fabriques de fusils et de poudre, tandis que sur la côte de la Crimée Vous avez des bûchers de vieux canons <à réparer>, si mal gardés que deux mille turcs débarqués subitement sur cette côte pourraient les enlever. L’Empire russe a des forces incalculables, mais l’indolence et la rapacité trop peu restreintes paralysent ces forces qui dicteraient la loi bien plus sûrement que celles de Bonaparte. Devenez sévère. Risquez une injustice pour être à coup sûr juste dix fois.

À la conclusion de la paix il faudra un Manifeste. Qui en sera le rédacteur? Cette question est de grande importance. Votre gloire et la tranquillité de l’Empire au-dehors dépendent de ce manifeste. D’un côté le public doit être instruit des circonstances déterminantes; de l’autre les puissances intéressées doivent être ménagées, pour éviter une rupture nouvelle pour le moment. L’auteur de ce manifeste doit non seulement être animé du plus pur patriotisme pour Vous et Votre Empire, mais aussi il doit savoir se placer sous tous les différents points de vue des puissances intéressées, sortir pour ainsi dire des idées en vogue dans notre manière de voir, pour pouvoir peser chaque expression.

Je ne puis Vous rien dire touchant le traité de paix; je ne le connais pas; à Riga peut-être j’en apprendrai les principaux points. Tout ce que je puis prévoir, c’est que l’année prochaine amènera une nouvelle campagne, à moins que Vous ne soyez préparé à la guerre, encore plus énergiquement que pour cette campagne. Mettez de la vie dans ces préparatifs; ranimez les fabriques militaires, non par la douceur, mais par la sévérité dont elles ont tant besoin. Organisez les approvisionnements en punissant les coupables. Vous récompensez les honnêtes gens; si Vous voulez être juste en tout, Vous devez sévir contre les malfaiteurs. Les résultats que cette campagne livre sont Vos preuves; elles sont claires. Sire! dans des vétilles la loi sévit avec une rigueur qui va à la cruauté. On a cassé le magistrat de la petite ville de Fellin, on réduit les familles qui le composaient à la mendicité, parce que le secrétaire de ce magistrat a volé 5 ou 6 mille Roubles. Et les brigands qui ont laissé l’armée sans fusils et sans vivres, qui ont fait perdre les fruits de cette terrible campagne, qui ont compromis la sûreté de tout l’Empire, ces scélérats resteraient intacts?

Vous me taxez peut-être de trop de vivacité. Mais je ne comprends pas comment Vous pourriez avoir le moindre sentiment pour moi autrement <ne me détesteriez pas si j’étais autrement>. Mon Bien-Aimé! Voici la seconde expérience en grand que Vous faites. La première Vous a été utile. Que celle-ci le soit davantage! O si je pouvais l’obtenir à force de prières, je ne cesserais d’implorer à genoux la Divinité jusqu’à ce qu’Elle m’ait exaucé.

Adieu, mon Alexandre chéri! —

Écrit à la poste de Wolmar pendant un accès de fièvre.

127. G. F. Parrot à Alexandre IER

Riga, 15 juillet 1807 1

Mon Bien-Aimé! Mon Alexandre chéri! Je vais célébrer mon 40e jour de naissance2 en vouant cette journée à Votre souvenir. C’est sacrifier à l’autel de la plus tendre et de la plus pure amitié. Je Vous ferai de la peine, je blesserai Votre cœur sensible. Vous douterez peut-être de mes sentiments pour Vous. Mais je Vous aime, et ce sentiment, qui absorbe tous les autres, m’ordonne de Vous parler sans réserve, plus que jamais. Je dois Vous ouvrir l’abyme dont Vous êtes entouré.

Pendant Votre séjour à Riga, trop court pour les objets importants que Vous auriez pu voir de Vos propres yeux, Vos braves soldats qui avaient exposé leur vie, sacrifié leurs membres mutilés à Votre service, les blessés, sacrés pour tout homme qui a un cœur humain étaient en proie à la famine, à Riga même. Aujourd’hui encore les braves malheureux se nourrissent d’herbes qu’ils cueillent eux-mêmes dans les bois et dans les prés pour se soustraire à la mort que la mitraille de Bonaparte n’a pas pu leur donner. Le magasin de farine que Vous avez vu brûler a été incendié non par le canon, mais par une main adroite; un jeune homme qui a autrefois servi dans l’artillerie y accourt et retire du magasin brûlant et d’un autre voisin un morceau de la farine qu’il contenait. Cette farine était puante, pourrissante, mêlée de toutes les ordures imaginables. Les blessés à Votre passage Vous ont crié du pain, mais le hourra des autres soldats a étouffé leur voix. Quelques-uns ont osé passer les bornes de la subordination pour Vous parler. Vous avez ordonné l’examen, et ils ont été arrêtés, et le mal continue. Un officier en béquilles a voulu Vous parler, mais il a été éloigné avec beaucoup de politesse. On l’a fait asseoir, par égard pour ses blessures, derrière la foule où Vous ne pouviez pas l’apercevoir. Vous perdez l’amour du soldat dans le moment où Vous pouviez lui inspirer le plus grand enthousiasme pour Votre personne.

Je tiens ces détails de témoins oculaires. Mais ils n’ont pas le courage de me fournir les preuves de peur de devenir eux-mêmes et sans fruit la proie des hommes puissants qui décident à la fin par leur place et leur crédit. La corruption est si profonde que l’honnête homme désespère de voir jamais la justice sur le trône d’un monarque qui est si juste personnellement. – Vous

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