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Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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paysans de ces provinces, il ne peut pas en exister <et il est ridicule d’en attendre>. Le lette et l’estonien ne sont pas russes, ils ne font pas corps avec la masse de la nation. Depuis qu’ils sont sujets de l’Empire russe leur esclavage est devenu plus dur et plus anéantissant. L’Impératrice Catherine, qui savait conquérir des provinces, ignorait l’art de les assimiler, l’art de conquérir les hommes. Elle n’a presque rien fait pour la masse de ces deux nations croyant qu’il suffisait de gagner la noblesse; de là les favorisations qu’elle a accordées à ce corps dans ces provinces, dont la Russie murmure encore. L’exemption de recrues qu’elle a continuée pour ces provinces est à cet égard une grande faute politique. Le lette et l’estonien n’ont point pris de part aux succès militaires <des russes contre les turcs et (malheureusement) contre les polonais>. Il n’existe aucun lien entre ces nations et la nation russe, par conséquent point de patriotisme du côté des provinces conquises. Quelle est la source du patriotisme russe? – La gloire. Votre nation a autrefois secoué le joug des nations étrangères, a subjugué ses anciens conquérants, a combattu glorieusement, subjugué même des nations voisines. Voilà ce qui forme cet esprit de corps qui, quand il est national, devient amour de la Patrie, la seule espèce de patriotisme qui puisse exister chez un peuple qui ne connait pas la liberté. C’est le patriotisme des français d’aujourd’hui. Le lette et l’estonien est encore moins libre que le russe; le despotisme des particuliers l’a avili, et par l’exemption des recrues on l’a éloigné la cause publique. Les victoires des russes lui sont étrangères; il ne sent que la supériorité de la nation conquérante qui rive les fers dont la noblesse l’a chargé. D’où lui devait donc venir l’esprit de corps, le patriotisme? – Mais je me trompe. Il a un esprit de corps. Il regrette les temps plus heureux pour lui de la domination suédoise, mais cet esprit de corps est l’opposé de celui que nous désirons qu’il ait; c’est l’opposé du patriotisme qu’il devait avoir en ce moment, c’est cet esprit de corps qui lui fait désirer un changement quelconque. Le lette et l’estonien Vous aime personnellement, je Vous l’ai dit. Mais il s’est formé chez eux un proverbe national: l’Empereur est loin de nous, notre seigneur est près; et ce proverbe s’est formé précisément par les soins que Vous prenez d’adoucir son sort. Ce proverbe seul contient et l’histoire de ces soins <parce que ces soins n’ont pu vaincre les obstacles qu’on Vous a causés> et la façon de penser de ces deux nations; c’est la juste mesure de leur attachement à l’Empire.

Encore une considération générale. On a annoncé cette levée de milices, sans parler auparavant au gros de la nation, sans l’instruire des vues du gouvernement, des besoins de l’État. Tant qu’il n’est question que de recrues militaires on peut se passer de les explications. Mais quand il s’agit d’une levée en masse, la nation sent le besoin qu’on a d’elle, et elle veut qu’on lui parle, et on a le droit. Aussi cette faute a-t-elle produit même en Russie des mésententes qui auraient pu devenir sérieuses. La coutume fait passer sur tout ce qui est de coutume, mais tout ce qui est extraordinaire doit être motivé. Dans ces cas-ci toute nation, quelque soumise qu’elle soit, se ressouvient qu’elle a une raison, et chaque individu, quelque borné qu’il soit, a une grande opinion de la sienne.

Je passe de ces réflexions générales au moment présent dans les provinces conquises. La Diète de Reval est terminée, et a décrété, que malgré tout le danger qu’elle sent, malgré les clameurs et la frayeur de la majorité, on obéirait sans Vous faire de représentations. Pourquoi? Parce que les orateurs de la Diète ont prouvé à la majorité que les représentations découvriraient le faible de la noblesse, que Vous pourriez lui demander pourquoi on ne peut pas se fier à ses paysans comme aux russes, et agir après la mise en conséquence. Les orateurs ont fait entendre à la majorité que les milices sont le meilleur moyen de se défaire des esprits turbulents – comme si dans un moment pareil tous les esprits n’étaient pas turbulents! Si l’on veut partir de ce principe il ne faut pas enlever le quart ou le tiers des hommes en état de porter les armes, mais tous; il faut opérer une émigration générale.

Dans le petit voyage que je viens de faire en Estonie, j’ai entendu le gentilhomme parler individuellement; j’ai vu sa terreur, j’ai lu les lettres désolantes qu’on s’écrit, et l’on m’a instamment prié de travailler à parer le coup fatal. – Sivers n’est sûrement pas un poltron et Vous savez qu’il a été du même avis que moi, avant que nous ayons pu nous aboucher là-dessus.

Je joins un feuillet à part qui contient les raisons particulières qui existent contre l’armement des provinces conquises, aussi brièvement exprimées que j’ai pu, et les moyens de se dispenser de cet armement d’une manière avantageuse à l’État.

Pesez ces raisons. Votre Parrot Vous les doit, et Vous les donne comme tout ce qu’il Vous a donné jusqu’à présent, persuadé qu’il augmente le nombre de ses ennemis. Ma démarche inspirée par le désir de sauver cette noblesse qui me hait sera un nouveau crime à ses yeux, ou au moins de ses chefs.

Annexe

[Mémoire sur les milices]

Le lette et l’estonien n’a aucun esprit militaire; on n’en fera donc que de mauvaises milices. Il ne peut avoir d’esprit militaire parce qu’il a été 100 ans sans faire la guerre. Le russe a fait la guerre de tout temps, et heureusement; les milices russes fourniront donc d’excellents soldats après quelques semaines d’exercice, pourvu que l’exercice soit simple. Le but des milices ne doit pas être seulement d’opposer une grande masse à l’ennemi s’il repousse et affaiblit nos armées, mais surtout de fournir une nouvelle armée disciplinée.

Les milices restant dans leurs foyers

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