Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев
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J’ai donc eu raison de Vous aimer comme je Vous aime, avec cette force de sentiment qui quelquefois Vous paraissait incompréhensible. – J’ai eu raison de Vous appeler mon héros. L’Europe me justifie. – Sentez mon bonheur. Partagez-le, et puisse cette idée ajouter quelque chose à la masse de félicité dont Vous jouissez! J’ose l’espérer, parce que je suis incorruptible, même à Votre égard.
Jetez un coup d’œil sur nos relations depuis leur commencement jusqu’à présent. Vous trouverez que j’ai toujours été invariable. Vous l’avez été de même, quoique Vous ayez cru quelquefois ne pas l’être, et voilà ce qui m’encourage à Vous retracer le tableau de mon sentiment. La prospérité ne peut pas Vous avoir changé, elle n’a d’accès à Votre âme que pour l’élever. Oui, je retrouverai mon Alexandre tel qu’il était lorsque je le vis <dans ce moment terrible pour> la dernière fois, lorsqu’il se préparait à cette guerre terrible qui devait décider de son existence et de celle de son peuple.
Vos succès m’ont déchargé du soin que Vous m’aviez confié de Vous faire connaître à la postérité, de dévoiler à ses yeux un caractère unique dans l’histoire2. Mais mon cœur ne m’en a pas déchargé et le tableau que je lui présenterai se fera jour à travers ceux des historiens qui ne connaissent en Vous que l’homme de l’Europe. Ceux-là Vous feront admirer; le mien Vous soumettra toutes les âmes sensibles.
Vous n’avez pas voulu que je combatte à Vos côtés. Je rougis, je l’avoue, du motif de cette injustice; Vous vouliez me conserver vivant, comme si la vie était quelque chose sans activité. J’ai beaucoup souffert pendant ces deux années, parce que ce sentiment me rabaissait à mes propres yeux. Je Vous envoie quelques mots que j’ai prononcés <sur Vous> publiquement et fait imprimer; je Vous les envoie pour Vous prouver qu’une injustice de Votre part ne diminuera pas mon sentiment3. Je n’ai pu, il est vrai, l’exprimer comme il est, ce sentiment; la postérité seule le connaîtra; et voilà pourquoi mon style est si au-dessous de ce qu’il pourrait être. Je suis gêné quand je parle de Vous, parce que je dois me contraindre.
J’éprouve cette contrainte même dans ce moment où je ne parle qu’à Vous, j’abhorre l’idée de fasciner Votre vue après une si longue absence. Je viendrai à Pétersbourg lorsque je croirai que Vous pouvez me voir. Alors mon cœur se réglera sur le Vôtre comme il a toujours fait. Votre expression fixera la mienne. Vous ne verrez de mon âme que ce que Vous voudrez en voir.
Quand je serai à Pétersbourg, je serai forcé de Vous parler d’affaires. Il s’est passé bien des choses en Votre absence4. En attendant je Vous supplie de ne rien décider dans le département de l’instruction publique avant que j’aie pu Vous informer de ce que j’ai vu.
Vous êtes le plus fortuné des souverains. Vous en êtes vis-à-vis de Votre nation et de l’Europe au point où se trouvait Bonaparte lorsqu’il devint Empereur, maître de l’opinion publique et des plus grands moyens. Vous les employerez tous au bonheur de l’humanité. Je n’ai plus de vœux à adresser à la Providence; je n’ai que des actions de grâces à lui rendre. Elle a réalisé toutes mes espérances. – O mon Alexandre!
Votre Parrot
197. G. F. Parrot à Alexandre IER
Saint-Pétersbourg, 16 août 1814
Me voici à Pétersbourg. Quelques rues seules me séparent encore de mon Empereur chéri. – Quelques rues seulement? Cette idée fait mon bonheur; elle remplit mon âme et l’élève. – Accordez-moi bientôt quelques instants et que je lise dans Vos yeux ce que mon cœur me répète sans cesse: Il t’aime toujours1.
Votre Parrot
198. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 4 janvier 1816
Sire,
Depuis 3 semaines je me consume en attente1. De grâce daignez <m’apprendre en deux mots> me dire le plus brièvement que Vous voudrez si c’est avec quelque espérance de succès que je sacrifie ici mon temps et la modicité de mes moyens. Trouvez-Vous injuste cette modeste prière de
Votre Parrot.
199. G. F. Parrot à Alexandre IER
[Saint-Pétersbourg], 17 janvier 1816
Sire!
Les moyens pécuniaires, que j’ai pu vouer à l’espérance de satisfaire à un devoir cher à mon cœur, touchent à leur fin sans que j’aie pu apprendre si j’ai lieu de me flatter encore de cette espérance. Croyez, Sire, qu’il m’en coûte de Vous parler de moyens pécuniaires. Mais une nécessité impérieuse m’y force. Daignez m’écrire deux mots qui m’instruisent de Votre volonté, afin que, si elle est contraire à mes vœux, je cesse de faire inutilement tort à ma famille en prolongeant sans but mon séjour ici.
Votre Parrot
La nécessité absolue où je me trouve de Vous prier de ne plus différer le moment de me recevoir (cas qui jusqu’ici n’avait pas eu lieu) ne serait-elle pas, Sire, un indice de la Providence que ce moment est précisément celui où je pourrais Vous être le plus utile?
200. G. F. Parrot à Alexandre IER
Saint-Pétersbourg, 24 janvier 1816
Sire!
Vous n’avez jamais été cruel; mais malheureusement je suis destiné à en fournir le premier exemple. J’ai quitté Dorpat le 12 décembre, jour si mémorable pour moi, et je suis depuis à Pétersbourg à attendre Votre simple décision si Vous voulez encore me voir ou non, sans pouvoir l’obtenir. <Je me ruine à cette attente; car quand un Professeur de Dorpat fait une dépense extraordinaire de 9 cents Rbl. et sacrifie ses vacances qui lui offriraient quelques avantages pécuniaires propres à subvenir à la modicité de ses appointements, il ne se relève pas facilement de cette perte.> Tout ce que j’ai pu vouer de moyens à cette existence est entièrement épuisé et les devoirs de ma place m’appellent à Dorpat.
Si je dois, Sire, regarder Votre constance à ne pas m’honorer d’une réponse <à tant de lettres> comme une réponse