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Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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avait su franchir l’espace immense que le sort avait mis entre nous. Je puis tout perdre. Mais je ne puis pas avoir mérité Votre silence dans un instant où tout mon bonheur, toute ma croyance à l’humanité, dépend d’un mot de Vous. – Je n’aspire plus au bonheur; je ne désire plus que de savoir à quel degré je serai malheureux.

Vous, soyez heureux!

62. Alexandre IER à G. F. Parrot

[Saint-Pétersbourg, 8 mai 1805]1

Je n’avais voulu Vous répondre que pour Vous marquer une heure d’entrevue. Tout mon temps était pris tous ces jours-ci. C’est jeudi après-dîner2 que je compte Vous recevoir, mais je ne veux plus différer de Vous en avertir, car Votre dernière lettre m’a causé véritablement de la peine. Pourquoi être toujours si passionné, si prompt à Vous désespérer? Un certain calme doit être inséparable de la fermeté et voudriez-Vous en manquer? Il y a des choses sur lesquelles douter est l’équivalent de blesser; par quoi Vous ai-je donné bien de douter de mes sentiments pour Vous? Et la confiance, ne doit-elle pas accompagner Votre estime pour moi?

Tout à Vous.

63. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg], 9 mai 1805

Sire!

Mon Alexandre! Mon Héros! Vous m’avez ranimé. Que ne puis-je Vous demander pardon à genoux de Vous avoir fait de la peine! – Mais Vous Vous trompez quant à mes doutes. Je doutais des événements, jamais de Vous, jamais du cœur de mon Bien-Aimé. Pardonnez-moi ma passion. Vous le ferez sûrement lorsque je Vous aurai détaillé une situation. Vous verrez qu’il n’y a pas un jour à perdre.

Votre lettre n’est écrite qu’en crayon, mais j’en imprimerai les caractères dans mon cœur, et quand Vous et moi ne seront plus l’homme passionné pour le bien public, l’homme sensible à la tendre amitié enviera mon sort.

Je voudrais Vous dire combien je Vous aime. Puis-je Vous le dire comme je le sens?

Pardonnez à Votre Parrot.

64. Alexandre IER à G. F. Parrot

[Saint-Pétersbourg, 11 mai 1805]1

Pouvez-Vous me croire assez déraisonnable pour Vous en vouloir pour une chose aussi insignifiante? Je suis fâché de n’avoir pas pu hier Vous rassurer, ayant été à Pavlovsky. – Venez aujourd’hui à 7 h. et ½.

Tout à Vous.

[Paraphe]

65. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Saint-Pétersbourg, 13 mai 1805]

Sire!

J’ai un besoin pressant de Vous écrire. J’ai balancé hier tout le jour, crainte de Vous fatiguer. Mais je ne puis y résister. Mon cœur y est trop intéressé. Vous souvenez-Vous du moment où Vous Vous décidâtes pour les écoles paroissiales? J’en fus pénétré et je voulais Vous en témoigner ma reconnaissance, Vous féliciter sur cet heureux événement1. – Je n’en eus pas la force. Un sentiment que je ne pus approfondir dans l’instant me repoussait, et me rétrécit pour ainsi dire l’âme pour le reste du temps que je passai avec Vous. Ces moments passés d’ailleurs dans l’ivresse du bonheur, furent cette fois livrés à l’inquiétude.

De retour chez moi je cherchai à me rendre compte de ce sentiment, qui d’ailleurs m’est si étranger en Votre présence; j’en trouvai la cause. Au moment où Vous Vous décidâtes je crus sentir, quoique confusément, que Vous n’étiez pas heureux. Sûrement en cet instant Vous étiez déprimé par l’attente des difficultés que Vous essuyeriez. Mon Alexandre! Si je n’avais que les idées ordinaires du bonheur, peut-être aurais-je la faiblesse de Vous conseiller de céder aux circonstances. Mais je connais les délices d’avoir surmonté des difficultés pour la bonne cause; je connais les remords qui suivent la faiblesse. Et c’est par amour pour Vous autant que par amour du bien que je Vous conseille de Vous exposer aux désagréments qui peuvent suivre Votre résolution.

Je Vous dois encore une considération. Vous connaissez peut-être mieux que moi la lutte puissante qui existe sous Vos yeux entre les bons et les méchants. Depuis 4 [ans] que Vous avez établi Vous-même cette lutte, avez-Vous gagné du terrain? Les ennemis du bien sont-ils, je ne veux pas dire terrassés, mais seulement affaiblis? Non; ils sont plus puissants que le jour de Votre avènement au trône. Vos amis sentent tous cette supériorité du parti contraire et commencent à fléchir. Est-ce faute de ménagements? Avez-Vous négligé un seul moyen de conciliation? Avez-Vous agi une seule fois inconsidérément? Non, et je sais que Votre âme, ardente pour le bien, a dû souffrir infiniment d’être obligée de se plier chaque jour à de nouveaux détours. Cette expérience de 4 ans doit Vous éclairer sur Vos vrais intérêts. Invoquez le génie de Pierre Ier, parlez en Maître à des grands qui ne respectent que ce qu’ils craignent. <Soyez despote pour sauver Votre nation.> Saisissez-Vous de la dictature que la constitution de l’Empire Vous donne; c’est le seul moyen de relever le courage affaissé de Vos amis, de Novossilzoff, de Klinger qui dans cet instant sentent trop impérieusement la nécessité de plier.

Transportez-Vous un moment en France. Voyez ce que le destructeur de la liberté a osé faire, ce qu’il fait avec succès en dépit de la Nation et de toute l’Europe. Il sait combien la force en impose à l’homme et son calcul malheureusement ne le trompe pas. Vous êtes appelé à en imposer à Votre nation. Votre place, la constitution de Votre Empire, les vains efforts que Vous avez fait par voie de conciliation, tout Vous fait la loi d’agir avec vigueur, d’attaquer, non de Vous défendre. Et c’est dans cette manière d’agir que Vous trouverez le secret de Vous guérir de la crainte d’être dominé même par Vos amis.

Mon Alexandre! mon Héros! Vous ne méconnaîtrez pas dans ces conseils Votre vrai ami, Votre Parrot, qui donnerait si volontiers sa vie et sa gloire pour Vous, pour Votre gloire. Je ne connais pas l’ambition, et la résolution ferme de ne jamais échanger mon heureuse médiocrité contre une carrière politique doit Vous assurer de mon intégrité. Si Vous ne réussissez pas – Vous connaissez la haine dont

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