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Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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masse qui Vous chérit, pour penser à Vous, Vous aimer sans réserve, sans distraction, pour Vous dire que je Vous aime, pour Vous parler de ce sentiment profond que Vous m’avez inspiré. Alexandre! Votre cœur est sensible; il connait l’amitié; Vous lirez avec plaisir ces lignes dictées par le sentiment le plus tendre et le plus pur.

Peut-être en cet instant êtes Vous Vous-même dans le recueillement, occupé à rendre grâces à l’Être Suprême pour l’amour que Vous consacrent tant de millions de Vos semblables. Que j’aime à voir mon Alexandre, mon héros pénétré de ce sentiment sublime! Cette harmonie entre lui et son peuple doit plaire à la divinité. Un Empire d’un côté, Alexandre de l’autre! Tous deux à ses pieds, tous deux reconnaissants. L’humanité n’a rien de si beau à lui offrir.

Que Vous êtes heureux! O! je voudrais pouvoir Vous répéter ce mot journellement, Vous le rappeler sans cesse et surtout dans les instants désagréables où Votre cœur souffre de ne pouvoir faire tout le bien qu’il se propose. La somme des maux que Vous épargnez à l’humanité est grande. L’idée de Vous être consacré tout entier à ce sublime emploi doit Vous être une source inépuisable de bonheur.

Que Vous êtes heureux! – Gardez-Vous de trouver dans ce mot une flatterie raffinée que m’avait dictée malgré moi mon tendre attachement pour Vous. Je n’ignore pas combien il Vous reste encore à faire pour prendre ce mot dans un sens absolu, Vous savez Vous-même que Vos idées les plus chères sont encore loin de l’exécution et qu’il Vous faudra encore des années de combats, de persévérance, de la constance la plus opiniâtre pour en réaliser une partie. Cependant je Vous le répète: Vous êtes heureux, heureux d’avoir conçu sur le trône ou peu avant d’y être monté, les idées sublimes. Vous êtes heureux par la volonté décidée que Vous avez de les réaliser. Vous êtes heureux, parce que Vous trouverez dans Votre caractère la fermeté nécessaire pour vaincre les obstacles qu’on Vous opposera. Vous êtes heureux par l’activité perpétuelle que Vous avez à Vos devoirs. Vous êtes heureux enfin par la reconnaissance universelle.

Que je serais heureux moi-même si j’avais l’assurance que le sentiment profond que Vous m’avez inspiré, en devenant en quelque sorte réciproque, contribue aussi à Votre bonheur! Car, être aimé sans aimer ne rend pas heureux. On ne jouit que de son propre sentiment. O Alexandre! À cet instant Votre image se présente vivement à mon cœur. Je Vous vois m’aborder pour la première fois à Pétersbourg, avec cette physionomie pleine d’intérêt qui m’inspira le désir ardent d’être aimé de Vous. – Mes yeux se mouillent. O mon Héros! Ami des hommes! Mortel si cher à l’humanité. Si mon vœu ne peut s’accomplir, si ton cœur en cherche un autre que le mien – ne crois pas que j’en serai malheureux. On ne jouit que de son propre sentiment. Celui de tes vertus, l’amour dont tu es si digne, me restera et fera le bonheur de ma vie. Oui, il me restera puisque tu seras toujours le même, puisque tu aimeras toujours mes frères avec la même tendresse. – Mais je réitère mon ancienne prière. Quand le moment viendra – souviens-toi de moi et de ta parole. Les cendres de ta lettre me restent.

Parrot

27. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat, peu après le 12 décembre 1803]1

Sire,

Cette fois-ci c’est l’égoïsme qui me met la plume à la main. Mon cœur a besoin de voir quelques lignes dictées par le Vôtre. Depuis mon retour de Pétersbourg j’ai passé bien des moments où j’ai eu besoin de tout le fond de confiance que la nature m’a donné, où il a fallu me rappeler toute la force des principes dont je Vous ai entretenu souvent dans mes lettres, pour ne pas désespérer des hommes et des circonstances.

La seule lettre que j’ai reçue de Vous n’est plus; sa cendre ne s’est pas encore ranimée. Si elle existait encore, je la lirais dans ces instants douteux, et chaque mot, en me retraçant l’âme pure de mon héros, purifierait la mienne. «L’homme n’est pas fait pour être seul» a dit le plus ancien des sages dont nous ayons encore les écrits2; cependant les circonstances isolent si souvent l’homme moral!

Je m’accuse moi-même de présomption pour vouloir me rapprocher précisément de Vous, et si quelque profane jetait les yeux sur cette lettre – je sens toutes les fausses conséquences qu’on en tirerait. Vis-à-vis de Vous je puis le braver, mon cœur sent profondément que le Vôtre ne me fera jamais un reproche pareil. Cependant je m’accuse de présomption. Mais que faire? Depuis ma plus tendre jeunesse j’ai un besoin pressant de rechercher ce qui est vrai et bon, de m’y attacher, de fondre tout mon être avec cet être que je crois se rapprocher le plus de l’idéal que je porte partout avec moi, sur lequel je mesure tout ce qui m’entoure. – J’ai Votre portrait dans ma chambre, en attendant que l’Université ait un salon pour le placer3. Le vulgaire le trouve peu ressemblant parce qu’il Vous ressemble en effet, parce que l’artiste m’a compris. Le vulgaire, accoutumé à Vous voir à la cour ou à la parade, ne sait Vous voir que là. Mais la postérité comparera le tableau à Vos actions et Vous trouvera ressemblant. Voilà ce qui me ramène toujours à Vous, malgré tout ce que la fortune, les circonstances font pour m’éloigner.

Vos actions – si Vous aimez la gloire, écrivez un journal de Vos actions comparées à Vos pensées, à Vos sentiments, un journal détaillé qui atteste à la postérité combien Vos vœux, Votre amour de l’humanité sort au-dessus de ce que Vous avez pu faire, Vous en aurez besoin. Mais si Vous êtes insensible à la gloire, si Vous sentez que le témoignage que Vous pourrez Vous rendre à Vous-même Vous suffira toujours, dans quelque situation que Vous Vous trouviez – n’écrivez pas de journal et donnez ces minutes

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