Категории
Самые читаемые

Maigret - Simenon

Читать онлайн Maigret - Simenon

Шрифт:

-
+

Интервал:

-
+

Закладка:

Сделать
1 ... 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
Перейти на страницу:

— Tu es décidé ?

— Je ne sais pas.

— Tu préfères passer aux Assises avec Cageot ?

— Je voudrais boire de l’eau.

Il le faisait exprès. Il ne souriait pas, mais on sentait sa joie de se faire servir.

— Elle est tiède, l’eau !

Maigret ne protestait pas. Les bretelles sur les reins, il déambulait et faisait tout ce que le blessé lui demandait. L’horizon devint rose. Un rayon de soleil lécha la vitre.

— Qui est-ce qui fait l’enquête ?

— Le commissaire Amadieu et le juge Gastambide.

— Ce sont des types bien ?

— Il n’y a pas mieux.

— Avouez que j’ai failli y passer ! Comment ai-je été renversé ?

— Par l’aile gauche de la voiture.

— C’était Eugène qui conduisait ?

— C’était lui. Le Marseillais était à côté. Qui est-ce, celui-là ?

— Un jeune, qui est arrivé voilà trois mois. Il était à Barcelone, mais il paraît qu’il n’y a plus rien à faire là-bas.

— Écoute, Audiat. Ce n’est pas la peine de jouer plus longtemps à cache-cache. Je vais appeler un taxi. Nous nous rendrons tous les deux au quai des Orfèvres. À huit heures, Amadieu arrivera et tu lui serviras ton boniment.

Maigret bâillait, harassé au point de pouvoir à peine articuler certains mots.

— Tu ne réponds pas ?

— Allons-y toujours.

En quelques minutes, Maigret se débarbouilla, mit de l’ordre dans sa toilette et fit monter deux petits déjeuners.

— Vois-tu, dans une situation comme la tienne, il n’y a qu’un endroit où l’on soit tranquille. C’est en prison.

— Amadieu, n’est-ce pas un grand, toujours pâle, qui a de longues moustaches ?

— Oui.

— Il ne me dit rien !

Le soleil levant faisait penser à la petite maison de la Loire et aux lignes de pêche qui attendaient au fond du bachot. C’était peut-être un effet de la fatigue, mais un instant Maigret fut sur le point de tout abandonner. Il regarda Audiat avec de gros yeux, comme s’il eût oublié ce qu’il faisait là, se passa la main dans les cheveux.

— Comment vais-je m’habiller ? Mon pantalon est déchiré.

On appela le valet de chambre, qui accepta de céder un vieux pantalon. Audiat boitait, geignait, se raccrochait de tout son poids au bras de son compagnon. On traversa le Pont-Neuf en taxi, et c’était déjà un soulagement de respirer l’air vif du matin. Un car vide sortait du Dépôt, où il avait amené son plein de prisonniers.

— Tu seras capable de monter l’escalier ?

— Peut-être que oui. En tout cas, je ne veux pas de civière !

On touchait au but. Maigret en avait la poitrine serrée par l’impatience. Le taxi stoppait en face du 36. Avant de faire sortir Audiat de la voiture, le commissaire paya la course, appela le planton en uniforme pour lui demander son aide.

Le planton était en conversation avec un homme qui tournait le dos à la rue et qui, à la voix du commissaire, fit volte-face. C’était Cageot, en pardessus sombre, les joues grises d’une barbe de deux jours. Audiat ne l’aperçut qu’une fois hors du taxi, alors que Cageot, sans même le regarder, reprenait sa conversation avec l’agent.

Il n’y eut pas une parole échangée. Maigret soutenait le garçon de café, qui feignait d’être beaucoup plus estropié qu’il ne l’était.

La cour traversée, il se laissa glisser sur la première marche de l’escalier, comme un homme qui n’en peut plus. Et alors, levant les yeux, il ricana :

— Je vous ai eu, pas vrai ! Je n’ai rien à dire. Je ne sais rien. Mais je ne voulais pas rester dans votre chambre. Est-ce que je vous connais, moi ? Est-ce que je sais seulement si ce n’est pas vous qui m’avez poussé sous l’auto ?

Le poing de Maigret était serré, dur comme pierre, mais il resta enfoui dans la poche du pardessus.

VII

Eugène arriva le premier, un peu avant onze heures. Bien que ce ne fût pas encore le printemps, il avait mis sa tenue en harmonie avec la gaieté du soleil. Il portait un complet en fil à fil gris clair, si souple qu’à chaque mouvement le tissu dessinait ses muscles. Son chapeau était du même gris, ses chaussures en daim fragile. Et quand il poussa la porte vitrée de la Police judiciaire, un léger parfum pénétra avec lui dans le couloir.

Ce n’était pas la première fois qu’il venait quai des Orfèvres. Il regardait à gauche et à droite en habitué des lieux, sans cesser de fumer sa cigarette à bout doré. L’heure du rapport était passée. Devant les bureaux des commissaires, des gens attendaient d’un air morne.

Eugène s’approcha de l’huissier, qu’il salua en portant un doigt à son chapeau.

— Dis-moi, vieux, le commissaire Amadieu doit m’attendre.

— Asseyez-vous.

Il s’assit, désinvolte, croisa les jambes, alluma une nouvelle cigarette et déploya un journal à la page des courses. Sa longue voiture bleue semblait s’étirer devant le portail. Maigret, qui l’avait aperçue d’une fenêtre, était descendu dans la rue pour regarder l’aile gauche, mais elle ne portait aucune égratignure.

Quelques heures plus tôt, il était entré chez Amadieu, le chapeau sur la tête, le regard méfiant.

— J’amène un homme qui connaît la vérité.

— Cela regarde le juge d’instruction ! avait répondu Amadieu en continuant de feuilleter des rapports.

Alors Maigret avait frappé à la porte du chef et il avait compris du premier coup d’œil que sa visite n’était pas souhaitée.

— Bonjour, monsieur le directeur.

— Bonjour Maigret.

Ils étaient aussi ennuyés l’un que l’autre et ils n’avaient pas besoin de beaucoup parler pour se comprendre.

— Monsieur le directeur, j’ai travaillé toute la nuit et je viens vous demander de faire en sorte que trois ou quatre individus soient interrogés ici.

— C’est l’affaire du juge, objecta le directeur de la PJ.

— Le juge ne tirera rien de ces gens-là. Vous me comprenez ?

Maigret savait qu’il ennuyait tout le monde, et qu’on aurait voulu l’envoyer aux cent mille diables, mais il s’obstinait néanmoins. Longtemps son énorme silhouette boucha l’horizon du chef, qui cédait peu à peu, et enfin il y eut des coups de téléphone de bureau à bureau.

— Venez un instant me voir, Amadieu !

— J’arrive, monsieur le directeur.

On discutait.

— Notre ami Maigret me dit que…

À neuf heures, Amadieu se résigna à gagner le cabinet de M. Gastambide par les couloirs du Palais. Quand il revint, vingt minutes plus tard, il avait en poche les commissions rogatoires nécessaires pour interroger Cageot, Audiat, le patron du Tabac Fontaine, Eugène, le Marseillais et le petit homme sourd.

Audiat était déjà sur place. Maigret l’avait obligé à monter et, depuis le matin, il était assis au fond du couloir, d’où il observait hargneusement les allées et venues des policiers.

À neuf heures et demie, cinq inspecteurs partirent à la recherche des autres, tandis que Maigret, lourd de sommeil, errait dans la maison dont il ne faisait plus partie, poussant parfois une porte, serrant la main d’un ancien collègue, vidant sa pipe dans la sciure des crachoirs.

— Ça va ?

— Ça va ! répondait-il.

— Vous savez qu’ils sont furieux ! lui avait soufflé Lucas.

— Qui ?

— Amadieu… Le patron…

Et Maigret attendait toujours, en s’imbibant de l’atmosphère de la maison qui avait été la sienne. Installé dans un fauteuil de velours rouge, Eugène ne manifestait aucune impatience. En apercevant Maigret, il avait même esquissé un sourire enjoué. C’était un beau garçon, plein de vitalité, d’assurance. Il respirait la santé et l’insouciance par tous les pores de la peau, et ses moindres attitudes étaient d’une aisance presque animale.

Comme un inspecteur arrivait du dehors, Maigret se précipita.

— Tu es allé au garage ?

— Oui. Le garagiste affirme que la voiture n’est pas sortie de la nuit, et le veilleur confirme sa déclaration.

C’était tellement prévu qu’Eugène, qui avait dû entendre, ne se donnait pas la peine d’être ironique.

Le patron du Tabac Fontaine parut bientôt, les yeux brouillés de sommeil, de la mauvaise humeur sur son visage et dans ses gestes.

— Le commissaire Amadieu ! grogna-t-il à l’adresse du garçon de bureau.

— Asseyez-vous.

Sans faire mine de reconnaître Eugène, il s’installa à trois mètres de lui, son chapeau sur les genoux.

Le commissaire Amadieu faisait demander Maigret, et ils se trouvèrent à nouveau face à face dans le petit bureau, d’où l’on voyait couler la Seine.

— Vos lascars sont arrivés ?

— Pas tous.

— Voulez-vous me dire exactement les questions que vous désirez que je leur pose ?

Elle n’avait l’air de rien, cette petite phrase aux apparences aimables et déférentes. Ce n’en était pas moins une affirmation de résistance passive. Amadieu savait aussi bien que son interlocuteur qu’il est impossible de déterminer d’avance les phrases d’un interrogatoire.

Maigret dicta néanmoins un certain nombre de questions pour chaque témoin. Amadieu en prit note avec la docilité d’un secrétaire en même temps qu’avec une satisfaction évidente.

— C’est tout ?

— C’est tout.

— Voulez-vous que nous commencions dès maintenant par le nommé Audiat ?

Maigret fit signe que cela lui était égal, et le commissaire pressa un timbre, donna un ordre à l’inspecteur qui parut. Son secrétaire s’assit au bout du bureau, à contre-jour, tandis que Maigret s’installait dans le coin le plus sombre.

— Asseyez-vous, Audiat, et dites-nous ce que vous avez fait cette nuit.

— Je n’ai rien fait.

Le garçon de café, bien qu’il eût le soleil dans les yeux, avait repéré Maigret et trouvé le moyen de lui adresser une grimace.

— Où étiez-vous à minuit ?

— Je ne me rappelle pas. Je suis allé au cinéma, puis j’ai bu un verre dans un bar de la rue Fontaine.

Amadieu fit à l’adresse de Maigret un signe qui voulait dire : « Ne craignez rien. Je tiens compte de vos notes. »

Et, en effet, le lorgnon sur le nez, il lut lentement :

— Quel est le nom des amis que vous avez rencontrés dans ce bar ?

La partie était perdue d’avance. L’interrogatoire était mal parti. Le commissaire avait l’air de réciter une leçon. Audiat, qui le sentait, prenait de plus en plus d’assurance.

— Je n’ai pas rencontré d’amis.

— Vous n’avez même pas aperçu une personne qui se trouve ici présente ?

Audiat se tourna vers Maigret, qu’il observa en hochant la tête.

— Peut-être ce monsieur. Mais je n’en suis pas sûr. Je n’ai pas fait attention à lui.

— Ensuite ?

— Ensuite je suis sorti et, comme le cinéma m’avait donné mal à la tête, je me suis promené sur les boulevards extérieurs. Comme je traversais la rue, j’ai été heurté par un véhicule et je me suis retrouvé, blessé, au pied d’un arbre. Cette fois, ce monsieur était là. Il m’a affirmé que j’avais été renversé par une auto. Je lui ai demandé de me conduire chez moi, mais il n’a pas voulu et il m’a emmené dans une chambre d’hôtel.

Une porte s’était ouverte et le directeur de la PJ était entré, s’était adossé silencieusement au mur.

— Que lui avez-vous raconté ?

— Rien du tout. C’est lui qui a parlé tout le temps. Il me parlait de gens que je ne connais pas et il voulait que je vienne affirmer ici que c’étaient des copains à moi.

Un gros crayon bleu à la main, Amadieu inscrivait parfois un mot sur son buvard, tandis que le secrétaire prenait note de la déposition complète.

— Pardon ! intervint le directeur. Tout ce que tu nous chantes est très joli. Mais dis-nous ce que tu allais faire à trois heures du matin boulevard de La Chapelle.

— J’avais mal à la tête.

— Tu as tort de faire le malin. Quand on a déjà quatre condamnations…

— Pardon ! Pour les deux premières, il y a eu l’amnistie. Vous n’avez pas le droit d’en parler.

Maigret se contentait de regarder, d’écouter. Il fumait sa pipe dont l’odeur imprégnait le bureau cependant que la fumée montait dans le soleil.

— Nous verrons cela dans quelques minutes.

On fit passer Audiat dans une pièce voisine. Amadieu téléphona :

— Faites entrer le nommé Eugène Berniard.

Il se présenta, souriant et désinvolte, repéra d’un coup d’œil la position de chaque personnage, écrasa sa cigarette dans le cendrier.

— Qu’as-tu fait hier soir ? répéta Amadieu sans conviction.

— Ma foi, monsieur le commissaire, comme j’avais mal aux dents, je me suis couché de bonne heure. Demandez plutôt au gardien de nuit de l’Hôtel Alsina.

— Quelle heure ?

— Minuit.

— Et tu n’es pas passé au Tabac Fontaine ?

— Où est-ce ?

— Minute ! Connais-tu un certain Audiat ?

— Comment est-il ? On rencontre tant de gens à Montmartre !

Chaque minute d’immobilité coûtait à Maigret un effort douloureux.

— Faites entrer Audiat ! téléphona Amadieu.

Audiat et Eugène se regardèrent curieusement.

— Vous vous connaissez ?

— Jamais vu ! grommela Eugène.

— Enchanté ! plaisanta le garçon de café.

Ils jouaient à peine la comédie. Leurs yeux riaient, démentaient leurs paroles.

— Donc, vous n’avez pas fait une belote ensemble hier au soir au Tabac Fontaine ?

L’un écarquilla les yeux. L’autre éclata de rire.

— Erreur, monsieur le commissaire.

On les confronta avec le Marseillais, qui venait d’arriver et qui, lui, tendit la main à Eugène.

— Vous vous connaissez ?

— Parbleu ! On était ensemble.

— Où ?

— À l’Hôtel Alsina. Nos chambres se touchent.

Le directeur de la PJ fit signe à Maigret de le suivre.

À deux, ils arpentèrent le couloir où Louis, le patron du tabac, attendait toujours, non loin de Germain Cageot.

— Qu’allez-vous faire ?

Le directeur lançait à son compagnon des regards où il y avait de l’anxiété.

— C’est vrai qu’ils ont essayé de vous avoir ?

Maigret ne répondit pas. Cageot le suivait des yeux, avec la même ironie tranquille qu’Audiat ou qu’Eugène.

— Si j’avais pu les interroger moi-même ! soupira-t-il enfin.

— Vous savez que c’est impossible. Mais on continuera les confrontations aussi longtemps que vous voudrez.

— Je vous remercie, monsieur le directeur.

Maigret savait que cela ne servirait à rien. Les cinq hommes étaient d’accord. Ils avaient pris leurs précautions. Et ce n’étaient pas les questions qu’Amadieu posait d’une voix morne qui les pousseraient aux aveux.

— Je ne sais pas si vous avez tort ou raison, reprit le patron.

Ils passaient devant Cageot, qui en profita pour saluer le directeur de la PJ.

— C’est vous qui m’avez fait convoquer, monsieur le directeur ?

1 ... 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
Перейти на страницу:
На этой странице вы можете бесплатно скачать Maigret - Simenon торрент бесплатно.
Комментарии