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Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота - Андрей Юрьевич Андреев

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notre estime».

Sire, si j’avais besoin d’une justification pour ces principes, je l’aurais trouvée dans l’attendrissement général qu’ils ont causé. Plus d’un homme dur présent à ce discours s’est surpris à avoir les yeux humides, et ce n’est qu’à la réflexion, lorsque l’égoïsme eût fait taire le sentiment, qu’on m’a fait un crime de ce passage.

La seconde et dernière fois où j’ai fait mention du paysan en public fut en passage de V. M. et c’est en peu de mots que j’ai eu le bonheur ineffable d’oser Vous dire à cette occasion que je dois vraisemblablement Votre bienveillance particulière et la haine de la noblesse. Je me suis chargé de cette haine, volontierement, après en avoir été expressément menacé par les curateurs quelques instants avant Votre arrivée. Je me chargeais de bien davantage, si mon cœur se fût trompé dans l’avis qu’il s’était fait de Votre Majesté. Le mot fatal prononcé mettait tout mon sort, toute mon existence dans Vos mains. Votre réprobation eût légitimé la haine de la noblesse, et je ne pouvais pas même compter sur l’attachement secret des hommes intègres qui ne jugent pas des motifs par l’évènement. Vous commenciez déjà à faire les délices de l’Europe.

Mais cet instant était sacré. L’humanité le revendiquait. J’osai le lui donner, j’osai forcer notre conseiller intime à Vous recevoir à la tête de l’Université, sinon d’une manière digne de Vous au moins d’une manière qui exprimait notre reconnaissance pour l’honneur que Vous nous faisiez7. Quelques heures avant Votre arrivée il était encore décidé qu’on recevait le Monarque de la Russie, un froid rapport à la main! Sans connaître tous ces détails, Sire, Votre grand cœur m’a justifié, à présent qu’il les connait il ne me condamnera pas.

Dès lors je m’abstiens de tout propos public sur cette matière (tous mes discours sont entre les mains de V. M.), et j’évite à dessein pendant les circonstances actuelles d’en parler dans mes entretiens particuliers avec les étudiants. Du reste j’emploie au moins 14 heures la journée à remplir mes devoirs de recteur et de professeur; les heures du repas et le reste du soir sont pour ma famille, en sorte que quand même j’en aurais l’intention, il me serait impossible de me répandre dans les sociétés pour y prêcher les principes dont on m’accuse.

Voilà, Sire, ce que j’ai à dire pour la justification de l’Université et la mienne, sans attaquer personnellement nos détracteurs. Si j’ai quelque tort dans cette justification, si je me suis oublié quelque part, daignez, Sire, ne pas oublier que Vous connaissez à peine la dixième partie des mesures avilissantes qu’on avait prises contre nous: je les ai tues même au brave avocat <Klinger> que Vous nous avez donnés. Pardonnez-moi les élans involontaires du sentiment. Mais comment Vous écrire et maîtriser mon cœur? Il se révolte d’être forcé de Vous parler de la perversité humaine. Votre vrai règne n’est pas de ce monde.

Parrot

17. Alexandre IER à G. F. Parrot

[Saint-Pétersbourg, à la fin d’avril ou au début de mai 1803]1

<…>2 le plus avantageusement placé pour juger des sentiments que l’on a pour Vous,

<…> mais que ce sont précisément les événements, qui éprouvent l’homme, lui en attendant

<…> l’assurance qui Vous est si bien dûe de ma sincère estime.

Alexandre

18. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat, mai 1803]

Sire!

Me voici vis-à-vis de Votre lettre; je la relis, peut-être pour la dixième fois. L’attendrissement qu’elle m’a causé à la première lecture ne diminue pas et je ne sais comment répondre. Les idées et les sentiments, le souvenir de mon séjour à Pétersbourg, le bonheur dont Votre présence m’a comblé, supérieur à tout ce que mon ardente imagination osait se permettre de désirer – tout se croise dans ma tête et dans mon cœur – je ne viens pas à bout d’écrire. Je me trouve si heureux dans cette situation! – Mais les affaires m’appelleront bientôt, et je Vous dois, Sire, une réponse dictée par la raison seule.

Croyez, Sire, fermement, que j’ai percé en effet au travers de la pourpre qui Vous environne, que je n’aime de toute Votre personne que Vous-même. Peu après Votre avènement au trône Vos premiers Ukases m’inspirèrent de l’enthousiasme pour le Monarque qui sait aimer les hommes, et lors de votre passage à Dorpat, où j’eus le bonheur de Vous dire à la hâte quelques mots dictés assurément par un sentiment pur, je ne voyais encore en Vous que l’instrument de bonheur de 40 millions d’hommes. Votre présence me mène plus loin que je ne croyais. Le ton de Votre réponse m’assura qu’elle contenait quelque chose de plus expressif que les mots officiels dont je dressai le protocole. Je commençai à Vous appartenir. Cependant je fluctuais encore. Je redoutais l’influence du Monarque. Il est si difficile d’éprouver ses sentiments. À Pétersbourg, où Votre cœur daigna s’adresser au mien, je me donnai à Vous sans réserve, sans crainte, sûr à présent qu’aucun égoïsme ne pouvait entrer dans ce que j’éprouvais pour Vous. Cette sûreté me rend heureux, elle adoucit l’amertume qu’on tâche de répandre sur ma vie; peut-être me rendra-t-elle invulnérable à cet égard. Laissez-moi ce sentiment tout entier, Sire. Laissez-moi Vous aimer à ma façon; et quand l’heure sonnera – souvenez-Vous de moi, comme Vous me l’avez promis. Je paierai ma dette en homme dans l’âme duquel les sentiments tendres n’ont laissé aucune empreinte de la faiblesse.

Sire, Vos réflexions sur la prospérité, l’adversité et l’attachement m’ont frappé. D’abord, j’ai été ravi de pouvoir en conclure que Vous Vous trouvez heureux. Il est vrai que les Princes qui se trouvent heureux sur le trône ne sont pas rares. Il y en a tant qui ont le secret de faire le bonheur de leurs sujets en toute commodité et de trouver ce passe-temps fort agréable, tandis que les Princes qui aiment véritablement leur peuple tombent souvent dans le défaut de ne pas aimer leur sublime vocation, parce que les

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