Категории
Самые читаемые

Maigret aux assises - Simenon

Читать онлайн Maigret aux assises - Simenon

Шрифт:

-
+

Интервал:

-
+

Закладка:

Сделать
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 ... 15
Перейти на страницу:

« — Bien sûr, a-t-elle répondu. Celui qu’il porte le dimanche.

« J’ai demandé à le voir. Le logement est confortable, coquet, assez gai mais, à cette heure, il était encore en désordre.

« — Pourquoi voulez-vous voir ce complet ?

« — Une simple vérification...

« Je l’ai suivie dans la chambre à coucher où elle a pris un costume bleu marine dans l’armoire. Je lui ai montré alors le mandat de perquisition. Le complet a été enfermé dans un sac spécial que j’avais apporté et l’inspecteur Janvier a établi les documents habituels.

« Une demi-heure plus tard, le costume était entre les mains des spécialistes du laboratoire. Dans le courant de l’après-midi, on me faisait savoir qu’il portait en effet des traces de sang sur la manche droite et sur le revers, mais que je devais attendre le lendemain pour savoir s’il s’agissait de sang humain. Dès midi, cependant, je faisais exercer une surveillance discrète autour de Gaston Meurant et de sa femme.

« Le lendemain matin, 7 mars, deux de mes hommes, les inspecteurs Janvier et Lapointe, munis d’un mandat d’amener, se présentaient à l’atelier de la rue de la Roquette et procédaient à l’arrestation de Gaston Meurant.

« Celui-ci a paru surpris. Il a dit, sans se révolter :

« — C’est certainement un malentendu.

« Je l’attendais dans mon bureau. Sa femme, dans un bureau voisin, se montrait plus nerveuse que lui.

— Pouvez-vous, sans utiliser de notes, nous répéter approximativement l’entretien que vous avez eu avec l’accusé ce jour-là ?

— Je crois que oui, monsieur le Président. J’étais assis à mon bureau et je l’avais laissé debout. L’inspecteur Janvier se tenait à côté de lui tandis que l’inspecteur Lapointe s’était assis afin de sténographier l’interrogatoire.

« J’étais occupé à signer du courrier et cela a pris un certain temps. J’ai enfin levé la tête pour dire d’un ton de reproche :

« — Ce n’est pas gentil, Meurant. Pourquoi m’avez-vous menti ?

« Ses oreilles sont devenues rouges. Ses lèvres ont remué.

« — Jusqu’ici, ai-je continué, je ne pensais pas à vous comme à un coupable possible, pas même comme à un suspect. Mais que voulez-vous que je me dise, maintenant que je sais que vous êtes allé rue Manuel le 27 février ? Qu’êtes-vous allé y faire ? Pour quelle raison l’avez-vous caché ? »

Le président se penchait, pour ne rien perdre de ce qui allait suivre.

— Que vous a-t-il répondu ?

— Il a balbutié, tête basse :

« — Je suis innocent. Elles étalent déjà mortes. »

CHAPITRE II

Le président, d’un signe discret, devait avoir appelé l’huissier car celui-ci, contournant sans bruit le banc de la Cour, venait se pencher sur lui tandis que Duché, le jeune avocat de la défense, pâle et crispé, s’efforçait de deviner ce qui se passait.

Le président ne prononçait que quelques mots et tout le monde, dans la salle, suivait son regard qui se fixait sur les fenêtres haut percées dans les murs et auxquelles pendaient des cordes.

Les radiateurs étaient brûlants. Une buée invisible, qui sentait de plus en plus l’homme, montait des centaines de corps en coude à coude, des vêtements humides, des respirations.

L’huissier, à pas de sacristain, se dirigeait vers une des cordes, s’efforçait d’ouvrir une fenêtre. Elle résistait. Il s’y reprenait à trois fois et tout restait en suspens, les regards le suivaient toujours, on entendait enfin un rire nerveux quand il décidait d’essayer la fenêtre suivante.

À cause de cet incident, on reprenait conscience du monde extérieur, en voyant des rigoles de pluie sur les vitres, des nuages au-delà, en entendant soudain plus nettement les coups de frein des voitures et des autobus. Il y eut même, à ce moment précis, comme pour ponctuer la pause, la sirène d’une ambulance ou d’une voiture de police.

Maigret attendait, soucieux, concentré. Il avait profité du répit pour jeter un coup d’œil à Meurant et, tandis que leurs regards se croisaient, il avait cru lire un reproche dans les yeux bleus de l’accusé.

Ce n’était pas la première fois qu’à la même barre le commissaire ressentait un certain découragement. Dans son bureau du quai des Orfèvres, il était encore aux prises avec la réalité et, même quand il rédigeait son rapport, il pouvait croire que ses phrases collaient avec la vérité.

Puis des mois passaient, parfois un an, sinon deux, et il se retrouvait un beau jour enfermé dans la chambre des témoins avec les gens qu’il avait questionnés jadis et qui, pour lui, n’étaient plus qu’un souvenir. Étaient-ce vraiment les mêmes êtres humains, concierges, passants, fournisseurs, qui étaient assis, le regard vide, sur les bancs de la sacristie ?

Était-ce le même homme, après des mois de prison, dans le box des accusés ?

On était tout à coup plongé dans un univers dépersonnalisé, où les mots de tous les jours ne semblaient plus avoir cours, où les faits les plus quotidiens se traduisaient par des formules hermétiques. La robe noire des juges, l’hermine, la robe rouge de l’avocat général accroissaient encore cette impression de cérémonie aux rites immuables où l’individu n’était rien.

Le président Bernerie, pourtant, menait les débats avec le maximum de patience et d’humanité. Il ne pressait pas le témoin d’en finir, ne lui coupait pas la parole quand il paraissait se perdre dans des détails inutiles.

Avec d’autres magistrats, plus stricts, il était arrivé à Maigret de serrer les poings de colère et d’impuissance.

Même aujourd’hui, il savait qu’il ne donnait, de la réalité, qu’un reflet sans vie, schématique. Tout ce qu’il venait de dire était vrai, mais il n’avait pas fait sentir le poids des choses, leur densité, leur frémissement, leur odeur.

Par exemple, il lui paraissait indispensable que ceux qui allaient juger Meurant connaissent l’atmosphère de l’appartement du boulevard de Charonne telle qu’il l’avait découverte.

Sa description, en deux phrases, ne valait rien. Il avait été frappé, dès l’abord, par l’habitat du couple, dans cette grande maison, pleine de ménages et d’enfants, qui donnait sur le cimetière.

À l’image de qui étaient les pièces, leur décoration, leur ameublement ? Dans la chambre à coucher, on ne voyait pas un vrai lit, mais un de ces divans d’angle entourés de rayonnages qu’on appelle cosy-comers. Il était recouvert de satin orange.

Maigret essayait d’imaginer l’encadreur, l’artisan occupé toute la journée dans son atelier, au fond d’une cour, rentrant de son travail et retrouvant cette ambiance qui rappelait les magazines : des lumières presque aussi tamisées que rue Manuel, des meubles trop légers, trop brillants, des couleurs pâles...

Pourtant, c’étaient bien les livres de Meurant qu’on trouvait dans les rayonnages, rien que des livres achetés d’occasion chez les bouquinistes ou dans les boîtes des quais : Guerre et Paix, de Tolstoï ; dix-huit volumes reliés de l’Histoire du Consulat et de l’Empire, dans une vieille édition qui sentait déjà le papier moisissant ; Madame Bovary ; un ouvrage sur les bêtes sauvages et, tout à côté, une Histoire des Religions...

On devinait l’homme qui cherche à s’instruire. Dans la même pièce s’empilaient des journaux du cœur, des magazines bariolés, des revues de cinéma, des romans populaires constituant sans doute la nourriture de Ginette Meurant, comme les disques, près du phono, qui ne portaient que des titres de chansons sentimentales.

Comment se comportaient-ils, elle et lui, le soir, puis le dimanche toute la journée ? Quelles paroles échangeaient-ils ? Quels étaient leurs gestes ?

Maigret avait conscience de n’avoir pas donné non plus une idée exacte de Léontine Faverges et de son appartement où, jadis, des messieurs qui avaient une famille, une réputation, rendaient de discrètes visites et où, pour éviter qu’ils se rencontrent les uns les autres, on les escamotait derrière d’épais rideaux.

— Je suis innocent. Elles étaient déjà mortes...

Dans le prétoire aussi plein qu’un cinéma, cela sonnait comme un mensonge désespéré parce que, pour le public, qui ne connaissait l’affaire que par les journaux, pour les jurés aussi, sans doute, Gaston Meurant était un tueur qui n’avait pas hésité à s’en prendre à une petite fille, essayant d’abord de l’étrangler puis, nerveux parce qu’elle ne mourait pas assez vite, l’étouffant sous des coussins de soie.

Il était à peine onze heures du matin, mais ceux qui étaient ici avaient-ils encore la notion de l’heure, ou même de leur vie privée ? Parmi les jurés, il y avait un marchand d’oiseaux du quai de la Mégisserie et un petit entrepreneur de plomberie qui travaillait lui-même avec ses deux ouvriers.

Se trouvait-il aussi quelqu’un qui avait épousé une femme dans le genre de Ginette Meurant et qui, le soir, avait les mêmes lectures que l’accusé ?

— Continuez, monsieur le commissaire.

— Je lui ai demandé l’emploi exact de son temps dans l’après-midi du 27 février. À deux heures, comme d’habitude, il a ouvert son magasin et a suspendu derrière la porte la pancarte priant de s’adresser à l’atelier. Il s’y est rendu, a travaillé à plusieurs cadres. À quatre heures, il a allumé les lampes et est retourné au magasin pour éclairer la vitrine. Toujours selon lui, il était dans son atelier quand, un peu après six heures, il a entendu des pas dans la cour. On a frappé à la vitre.

« C’était un vieux monsieur, qu’il prétend n’avoir jamais vu. Il cherchait un cadre plat, de style romantique, de quarante centimètres sur cinquante-cinq, pour une gouache italienne qu’il venait d’acheter. Meurant lui aurait montré des baguettes de différentes largeurs. Après s’être informé du prix, le vieux monsieur serait parti.

— On a retrouvé ce témoin ?

— Oui, monsieur le Président. Seulement trois semaines plus tard. C’est un nommé Germain Lombras, professeur de piano, qui habite rue Picpus.

— Vous l’avez interrogé personnellement ?

— Oui, monsieur le Président. Il affirme qu’il est bien allé, un soir, un peu après six heures, dans l’atelier de Meurant. Il était passé par hasard devant le magasin alors que, la veille, il avait acheté un paysage napolitain chez un brocanteur.

— Il vous a dit comment l’accusé était habillé ?

— Meurant, paraît-il, portait un pantalon gris sous une blouse de travail écrue et avait retiré sa cravate.

Le procureur Aillevard qui, au siège du ministère public, suivait la déposition de Maigret dans le dossier ouvert devant lui, fit mine de demander la parole et le commissaire se hâta d’ajouter :

— Il a été impossible au témoin de préciser si cette scène se place le mardi ou le mercredi, c’est-à-dire le 26 ou le 27 février.

C’était au tour de la défense de s’agiter.

Le jeune avocat, à qui tout le monde promettait un brillant avenir, le jouait, en somme, dans cette affaire. Il devait, coûte que coûte, donner l’impression d’un homme sûr de lui et de la cause qu’il défendait, et il s’efforçait d’imposer l’immobilité à ses mains qui le trahissaient.

Maigret poursuivait d’une voix impersonnelle :

— L’accusé prétend qu’après cette visite il a fermé l’atelier, puis le magasin, avant de se diriger vers l’arrêt d’autobus.

— Ce qui situerait son départ aux alentours de six heures et demie ?

— À peu près. Il est descendu de l’autobus en bas de la rue des Martyrs et s’est dirigé vers la rue Manuel.

— Avait-il une intention particulière en rendant visite à sa tante ?

— Il m’a d’abord déclaré que non, que c’était une visite banale, comme il avait l’habitude d’en faire au moins une fois par mois. Deux jours plus tard, cependant, quand nous avons découvert l’histoire de la traite impayée, il est revenu sur sa déposition.

— Parlez-nous de cette traite.

— Le 28, Meurant devait payer une traite assez importante, qui avait déjà été protestée le mois précédent. Il ne possédait pas les fonds nécessaires.

— Cette traite a été présentée ?

— Oui.

— Elle a été payée ?

— Non.

L’avocat général, d’un geste, sembla balayer cet argument en faveur de Meurant, tandis que Pierre Duché se tournait vers les jurés avec l’air de les prendre à témoin.

De fait avait tracassé Maigret aussi. Si l’accusé, après avoir égorgé sa tante et étouffé la petite Cécile Perrin, avait emporté les pièces d’or et les billets cachés dans le vase chinois, s’il s’était approprié en outre les titres au porteur, pour quelle raison, alors qu’il n’était pas encore soupçonné, qu’il pouvait penser qu’il ne le serait jamais, n’avait-il pas payé la traite, risquant ainsi un jugement en faillite ?

— Mes inspecteurs ont calculé le temps qu’il faut pour se rendre de la rue de la Roquette à la rue Manuel. En autobus, on doit compter, à cette heure-là, une demi-heure environ et, en taxi, vingt minutes sont nécessaires. Une enquête parmi les chauffeurs de taxis n’a rien donné ; pas davantage celle auprès des conducteurs d’autobus. Nul ne se souvient de Meurant.

« Selon ses dépositions successives, qu’il a signées, il est arrivé rue Manuel à sept heures moins quelques minutes. Il n’a rencontré personne dans l’escalier, n’a pas aperçu la concierge. Il a frappé à la porte de sa tante, a été surpris quand, ne recevant pas de réponse, il a aperçu la clé dans la serrure.

« Il est entré et s’est trouvé devant le spectacle précédemment décrit.

— Les lampes étaient allumées ?

— La grande lampe sur pied du salon, qui a un abat-jour douleur saumon. Meurant croit qu’il y avait de la lumière dans d’autres pièces, mais c’est plutôt une impression, car il n’y est pas allé.

— Quelle explication donne-t-il de son comportement ? Pourquoi ne s’est-il pas donné la peine d’appeler un médecin, d’avertir la police...

— Par crainte d’être accusé. Il a vu, ouvert, un tiroir du bureau Louis XV et il l’a refermé. De même a-t-il remis dans le vase chinois les fleurs artificielles qui gisaient par terre. Au moment de s’en aller, il s’est dit qu’en agissant ainsi il avait peut-être laissé des empreintes et il a essuyé le meuble, puis le vase, avec son mouchoir. Il a essuyé aussi le bouton de la porte et, enfin, avant de s’engager dans l’escalier, il a emporté la clé.

— Qu’en a-t-il fait ?

— Il l’a jetée dans un égout.

— Comment est-il rentré chez lui ?

— En autobus. La ligne, pour le boulevard de Charonne, passe par des rues moins encombrées et, paraît-il, il était dans son appartement à sept heures trente-cinq.

— Sa femme n’y était pas ?

— Non. Comme je l’ai dit, elle s’était rendue, pour la séance de cinq heures, dans un cinéma du quartier. Elle allait beaucoup au cinéma, presque chaque jour. Cinq caissières se sont souvenues d’elle au vu de sa photographie. Meurant, en l’attendant, a mis à réchauffer un reste de gigot et de haricots verts, puis il a dressé le couvert.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 ... 15
Перейти на страницу:
На этой странице вы можете бесплатно скачать Maigret aux assises - Simenon торрент бесплатно.
Комментарии