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Том 7. О развитии революционных идей в России - Александр Герцен
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Je cherche en vain, Monsieur, la raison de cet accueil de dédain avec lequel vous recevez le premier cri de douleur d'un peuple qui se réveille en prison, élan que la main du geôlier s'efforce d'étouffer déjà à sa naissance.
Pourquoi n'avez-vous pas voulu prêter l'oreille aux accents déchirants de notre poésie si triste, de nos chants qui ne sont que des larmes sonores? Quel est le voile qui est venu vous dérober la vue de notre rire convulsif, de cette ironie perpétuelle qui cache notre cœur profondément ulcéré, et qui n'est au fond que la conscience fatale de notre impuissance?
Ah, que je voudrais pouvoir traduire dignement pour vous quelques pièces lyriques de Pouchkine, de Lermontoff, ou quelques chansons populaires de Koltzoff! Vous nous tendriez une main cordiale, Monsieur, vous seriez alors le premier à nous demander l'oubli de vos affirmations précédentes.
Après le communisme moujique, rien ne caractérise plus la Russie, rien ne présage autant son avenir, que son mouvement littéraire.
Entre le paysan et la littérature, se dresse le monstre de la Russie officielle, de la «Russie-mensonge», de la «Russie-choléra», ainsi que vous l'avez parfaitement nommée.
Cette Russie commence par l'empereur et continue de soldat à soldat, de greffier à greffier, jusqu'au plus petit adjoint d'un commissaire de police dans le district le plus éloigné de l'empire. C'est ainsi qu'elle se déroule et qu'elle gagne à chaque degré, comme dans les Bolgi de Dante, une nouvelle puissance de mal, une plus grande intensité de dépravation et de tyrannie. Pyramide vivante de crimes, d'abus, de concussions, de bâtons de police, d'administrateurs allemands sans cœur et toujours affamés, de juges ignorants et toujours ivres, d'aristocrates toujours laquais; le tout soudé par la complicité, parle partage du butin, et appuyé enfin sur six cent mille machines organiques à baïonnette.
Le paysan ne se souille jamais par le contact avec ce monde de cynisme gouvernemental; il l'endure, voilà sa seule complicité.
Le camp opposé à la Russie officielle se forme d'une poignée d’hommes résignés, qui protestent, qui la combattent, qui la dévoilent, qui la minent.
Lutteurs isolés de temps à autre ils se voient traînés aux casemates, torturés, déportés en Sibérie, mais les postes ne restent oas longtemps vacants; de nouveaux combattants s'avancent; c'est là notre tradition, c'est là notre majorat à nous.
Les conséquences terribles de la parole humaine en Russie, en augmentent nécessairement la force. La voix de l'homme libre est recueillie avec sympathie et vénération, car pour l'élever chez nous, il faut absolument avoir quelque chose à dire. On ne se décide pas trop légèrement à publier ses pensées, lorsque au bout de chaque feuille, l'on voit poindre le gendarme, la troïka, la kibitka, et en perspective Tobolsk ou Irkoutsk.
J'ai assez parlé dans ma présente brochure de la littérature russe; je n'ajouterai ici que quelques réflexions générales.
Tristesse, scepticisme, ironie, telles sont les trois cordes de la lyre russe.
Lorsque Pouchkine commence un de ses meilleurs poèmes par ces mots calmes et lugubres: «Il n'y a pas de justice sur la terre… mais encore il n'y en a pas là-haut! C'est clair comme une simple gamme musicale!»[60] Ne croiriez-vous pas, Monsieur, sentir votre cœur glacé, entrevoir derrière cette apparente tranquillité, une existence brisée, deviner un homme qui s'habitue déjà à souffrir?
Lermontoff, accablé du dégoût de la société au milieu de laquelle il vivait, adresse, à peine âgé de 30 ans, à ses contemporains les paroles suivantes:
«Je contemple avec douleur notre génération; son avenir est vide et sombre; elle vieillira dans l'inaction, elle s'affaissera sous le poids du doute et d'une science stérile.
La vie nous fatigue comme un long voyage sans but.
Nous sommes comme ces fruits précoces qui s'égarent parfois, orphelins étrangers parmi les fleurs; ils ne charment ni l'oeil ni le goût; ils tombent au moment de mûrir…
Nous nous précipitons vers la tombe, sans bonheur, sans gloire, et nous jetons avant le trépas un regard d'amer dédain sur notre passé.
Nous passerons inaperçus sur cette terre, foule morne, silencieuse et bientôt oubliée.
Nous ne léguerons rien à nos descendants, ni une idée féconde ni aucune œuvre de génie, et ils insulteront nos cendres par un vers dédaigneux ou par le sarcasme qu'adresse un fils ruiné à un père dissipateur».
Je ne connais qu'un seul poète moderne qui ait fait vibrer avec autant de force les cordes sombres de l'âme humaine. Ce poète naquit aussi esclave, et mourut également avant le réveil de sa patrie. C'est l'apologiste de la mort, le célèbre Léopardi, lui qui se représentait le monde comme une ligue de malfaiteurs faisant une guerre acharnée à quelques fous vertueux.
La Russie n'a eu qu'un peintre généralement connu: Bruloff. Quel est donc le sujet où l'artiste a cherché l'inspiration, quel est, dis-je, le sujet de son tableau chef-d'œuvre, qui lui a valu quelque réputation en Italie?
Regardez cette étrange production.
Sur une immense toile vous voyez des groupes d'hommes stupéfaits, effrayés; ils s'efforcent de se sauver; ils périssent au milieu d'un tremblement de terre, d'une éruption volcanique, d'un véritable orage de cataclysme; ils succombent à une force sauvage, stupide, inique, contre laquelle toute résistance serait inutile. Telle est l'inspiration puisée dans l'atmosphère de Pétersbourg.
Le roman russe n'est que de l'anatomie pathologique; ce n'est qu'une constatation du mal qui nous ronge, une accusation continuelle de soi-même, accusation sans répit ni miséricorde. Ici l'on n'entend point la voix douce descendue des ci eux, et qui annonce à Faust le pardon de la jeune fille coupable. Ici l'on ne cherche pas de consolation; le doute, la malédiction, seuls élèvent ici la parole. Et pourtant, si la Russie peut être sauvée, elle le sera par ce sentiment profond de notre situation, et par le peu de soin que nous mettons à le cacher devant le monde.
«Celui qui avoue franchement ses défauts, sent qu'il y a en l ii quelque chose qui échappe et résiste à la chute; il comprend qu'il peut racheter son passé, et non seulement relever la tête, mais devenir, comme dans la tragédie de Byron, Sardanapale le héros, de Sardanapale l'efféminé».
Le peuple russe ne lit pas. Vous le savez bien, Monsieur, ce n'était pas non plus le peuple dés campagnes qui lisait les Voltaire et les Diderot; c'étaient la noblesse et une partie du tiers état. La partie éclairée du tiers état appartient en Russie à la noblesse. Cette dernière se constitue de tout ce qui a cessé d'être peuple; elle a même un prolétariat nobiliaire, qui se fond en partie dans l'élément populaire, et un autre prolétariat affranchi qui remonte vers le haut et s'ennoblit. Cette fluctuation, ce va-et-vient continuel, imprime à la noblesse russe un caractère que vous ne trouverez pas dans les classes privilégiées du reste de l'Europe. En un mot, toute l'histoire russe, depuis Pierre Ier n'est que l'histoire de la noblesse et de l'influence que la civilisation européenne a exercée sur cette dernière. J'ajouterai ici que le-nombre de la noblesse en Russie, égale au moins la moitié du chiffre des électeurs en France, après la loi du 31 mai.
Pendant le XVIIIe siècle, la littérature néo-russe poursuivait le procès de l'élaboration de cette langue riche, sonore et magnifique que nous écrivons aujourd'hui, langage souple, énergique, apte à exprimer les idées les plus abstraites de la métaphysique allemande, et la phrase légère, pétillante d'esprit, de la conversation française. Cette littérature, éclose sous l'inspiration du génie de Pierre Ier, présentait un caractère gouvernemental, il est vrai, mais gouvernemental alors signifiait réformateur, presque révolutionnaire.
Le trône impérial, jusqu'au moment de la grande Révolution de 89, se drapait majestueusement dans les plus beaux plis de la civilisation et de la philosophie européennes. Catherine II méritait qu'on lui représentât des villages en carton et des palais en planches fraîchement badigeonnées; personne ne. connaissait mieux qu'elle l'art de la mise en scène. Au palais de l'Ermitage s'étalaient à l'envi Voltaire, Montesquieu, Beccaria. Vous connaissez, Monsieur, le revers de la médaille.
Cependant, un accent inattendu, étrange, commençait à troubler le concert triomphal des apologies pindariques de la cour. Ce son, vibrant d'une ironie sarcastique, d'une tendance fortement prononcée vers la critique, vers le scepticisme, ce son, dis-je, était le seul susceptible de vitalité, de développement ultérieur. Le reste, temporaire et exotique, devait nécessairement périr.
Le véritable caractère de la pensée russe poétique ou spéculative, se développe dans toute sa force depuis l'avènement au trône de Nicolas. Le trait distinctif de ce mouvement, c'est une émancipation tragique de la conscience, une négation implacable, une ironie amère, un malheureux retour sur soi-même. Un rire fou l'accompagne parfois, mais ce rire n'a en lui rien de gai.
Jeté dans un milieu accablant, doué d'une grande sagacité, d'une logique fatale, le Russe s'affranchit brusquement de la religion et des mœurs de ses pères.
Le Russe émancipé est l'homme le plus indépendant de l'Europe. Qui est-ce qui pourrait l'arrêter? Serait ce le respect pour son passé?.. Mais l'histoire de la Russie nouvelle ne commen-ce-t-elle pas par une négation absolue de la nationalité et de la tradition?
Serait-ce cet autre passé indéfini, la période de Pétersbourg peut-être? Ah, celui-là ne nous oblige à rien; «ce cinquième acte d'une tragédie sanguinaire jouée dans un lupanar»[61] nous émancipe, mais il ne nous impose aucune croyance.
D'un autre côté, votre passé à vous, occidentaux, nous sert d'instruction, et voilà tout; nous ne nous considérons nullement comme exécuteurs testamentaires de votre histoire.
Vos doutes, nous les acceptons; votre foi ne nous émeut pas. Vous êtes pour nous trop religieux. Vos haines, nous les partageons; votre attachement pour l'héritage de vos ancêtres, nous ne le comprenons pas; nous sommes trop opprimés, trop malheureux pour nous contenter d'une demi-liberté. Vous avez des ménagements à garder; des scrupules vous retiennent; nous autres, nous n'avons ni ménagements, ni scrupules, mais la force nous manque pour le moment…
C'est de là, Monsieur, que nous vient cette ironie, cette rage qui nous exaspère, qui nous mine, qui nous pousse en avant, qui nouS conduit quelquefois en Sibérie, à la torture, en exil, à une mort précoce. L'on se dévoue sans aucun espoir; par dégoût, parrinui… Il y a vraiment quelque chose d'insensé dans notre vie, mais rien de banal, rien de stationnaire, rien de bourgeois.
Ne nous accusez pas d'immoralité parce que nous ne respectons pas ce que vous respectez. Depuis quand reproche-t-on aux enfants trouvés de ne pas vénérer leur parents? Nous sommes libres, car nous commençons par nous-mêmes. Le traditionnel en nous, c'est notre organisme, c'est notre nationalité; ils sont inhérents à tout notre être; c'est là notre sang, notre instinct, et nullement une autorité obligatoire. Nous sommes indépendants, car nous ne possédons rien; nous n'avons presque rien à aimer; il y a de l'amertume, de l'offense dans chacun de nos souvenirs. La civilisation, la science, on nous les a tendues au bout d'un knout.
Qu'avons-nous donc à démêler avec vos devoirs traditionnels, nous, les mineurs, les déshérités? Et comment pourrions-nous franchement accepter une morale fanée, une morale ni chrétienne ni humaine, existant seulement dans les exercices de rhétorique, et dans les réquisitoires des procureurs? Quelle vénération voudrait-on nous inspirer pour ce prétoire de votre justice barbaro-romaine, pour ces voûtes lourdes, écrasantes, sans air, sans lumière, rebâties au moyen âge, et replâtrées par les affranchis du tiers état? Ce n'est peut-être pas là le guet-apens des tribunaux russes, mais qui pourrait nous prouver que c'est de la justice? Nous voyons clairement que la distinction entre vos lois et les oukases gît principalement dans la légende du préambule. Les oukases commencent par une vérité accablante: «Le tzar l'ordonne»; vos lois portent en tête le mensonge offensant de la triple devise républicaine, l'invocation ironique du nom du Peuple français. Le Code-Nicolas est dirigé exclusivement contre les hommes et en faveur de l'autorité. Le Code-Napoléon ne nous paraît pas avoir d'autre caractère. Nous traînons assez de chaînes que la force nous a imposées pour les alourdir encore d'autres, dues à notre Propre choix. Sous ce rapport nous nous trouvons parfaitement egaux à nos paysans. Nous obéissons à la force brutale; nous sommes esclaves parce que nous n'avons pas le moyen de nous affranchir-toutefois du camp ennemi, nous n'accepterons rien.
La Russie ne sera jamais protestante.
La Russie ne sera jamais juste-milieu.
La Russie ne fera pas de révolution, dans le seul but de se défaire du tzar Nicolas et d'obtenir, pour prix de sa victoire, des représentants-tzars, des tribunaux-tzars, une police-tzare, des lois-tzares.
Nous demandons trop peut-être, et nous ne parviendrons à rien. C'est possible, mais nous ne désespérons pas; la Russie avant 1848 ne pouvait, ne devait entrer dans la phase révolutionnaire: elle n'avait qu'à faire son éducation, et elle Га fait en ce moment. Le tzar lui-même s'en aperçoit; aussi assomme-t-il à coup de massue les universités, les idées, les sciences; il s'efforce d'isoler la Russie de l'Europe, de tuer la civilisation; il fait son métier.

