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Том 7. О развитии революционных идей в России - Александр Герцен

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Le fouriérisme plus que le saint-simonisme convient à la jeunesse studieuse de Pétersbourg. Le fouriérisme, qui ne tendait qu'à une réalisation immédiate, qui voulait l'application pratique, qui rêvait, lui aussi, mais qui appuyait ses rêves sur des calculs arithmétiques, qui cachait sa poésie sous le titre d'industrie et son amour de liberté sous l'embrigadement des ouvriers, le fouriérisme devait trouver un écho à Pétersbourg. Le phalanstère n'est autre chose qu'une commune russe et une caserne de travailleurs, une colonie militaire sur le pied civil, un régiment industrieux. On a remarqué que l'opposition qui lutte de Iront avec un gouvernement a toujours quelque chose de son caractère mais en sens inverse. Et je crois bien qu'il y a quelque fond de vérité dans la crainte que le gouvernement russe commence à avoir ducommunisme: le communisme с'est l'autocratie russe renversée.

Pétersbourg devancera Moscou, au nom de ces opinions tranchées, bornées peut-être, mais actives et pratiques. L'honneur de l'initiative lui appartiendra avec Varsovie, mais si le tzarisme succombe, le centre de la liberté sera dans le cœur de la nation, à Moscou.

L'avortement complet de la révolution en France, la malheureuse issue de la révolution de Vienne et la fin comique de celle de Berlin furent en Russie le commencement d'une réaction redoublée. Tout fut paralysé de nouveau, le projet de l'émancipation des serfs abandonné et remplacé par celui de fermer toutes les Universités; on créa une double censure et de nouvelles difficultés à la remise des passeports pour les pays étrangers. On poursuivit les journaux, les livres, les paroles, les costumes, les femmes et les enfants.

En 1849 une nouvelle phalange de jeunes gens héroïques est allée en prison, et de là aux travaux forcés et en Sibérie[17]. Une terreur accablante abattit tous les germes, fit courber toutes les têtes, la vie intellectuelle se cacha de nouveau ou ne laissa percer que la frayeur, qu'une désolation muette, et depuis chaque nouvelle qui venait de la Russie remplissait l'âme de désolation et d'une profonde tristesse.

Nous ne nous arrêterons point à ce tableau lugubre d'une lutte inégale où chaque fois la pensée est écrasée par la force. Il n'y a là rien de nouveau, c'est ce procès interminable qui traverse toute l'histoire et qui aboutit de temps en temps à la ciguë, à la croix, aux autodafés, aux fusillades, aux pendaisons et aux déportations.

Quoi qu'on dise, les moyens que le gouvernement emploie, moyens cruels, ne sont pas cependant de force à étouffer tous les germes du progrès. Ils font périr beaucoup de personnes dans des souffrances morales terribles, mais nous devions nous y attendre, et certes ces mesures réveillent plus de gens qu'ils n'en désarment.

Pour étouffer réellement en Russie le principe révolutionnaire, la conscience de la position et la tendance d'en sortir, il faudrait que l'Europe entrât encore plus avant dans les principes et dans les voies du gouvernement de Pétersbourg, que son retour à l'absolutisme fût plus complet. Il faudrait effacer le mot de «République» du frontispice de la France, ce mot terrible, lors même qu'il est un mensonge et une dérision. Il faut arracher à l'Allemagne le droit imprudemment concédé de la parole libre. Le lendemain de la journée où un gendarme prussien, aidé d'un Croate, aura cassé les dernières presses sur le piédestal de la statue de Guttenberg traînée dans la boue par des frères ignorantins, ou, à Paris, sur la place de la Révolution, un bourreau, béni par le Pape, aura brûlé les œuvres des philosophes français, le lendemain, de cette journée, l'omnipotence du tzar aura atteint son apogée.

Ceci est-il possible?

Qui peut dire de nos jours ce qui est possible et ce qui ne l'est pas? Le combat n'est pas fini, la lutte continue.

L'avenir de la Russie n'a jamais été plus étroitement uni à l'avenir de l'Europe qu'il ne l'est aujourd'hui. On a vu nos espérances – mais nous ne voudrions répondre de rien, non par vanité puérile, de crainte que l'avenir ne nous donnât un démenti, mais par impossibilité de prévoir quelque chose dans une question dont la solution ne dépend pas exclusivement des données intérieures.

D'un côté, le gouvernement russe n'est pas russe, mais en général despotique et rétrograde. Il est plus allemand que russe, comme le disent les Slavophiles, et c'est là ce qui explique la sympathie et l'amour avec lequel les autres gouvernements se tournent vers lui. Pétersbourg, c'est la nouvelle Rome, la Rome de l'esclavage universel, la métropole de l'absolutisme, voilà pourquoi l'empereur de Russie fraternise avec l'empereur d'Autriche et l’aide a opprimer les Slaves. Le principe de son pouvoir n'est pas national, et l’absolutisme est plus cosmopolite que la révolution.

D'un autre côté, les espérances et les aspirations de la Russie révolutionnaire coïncident avec les espérances et les aspirations de l'Europe révolutionnaire et anticipent sur leur alliance dans l'avenir. L'élément national que la Russie apporte, c'est la fraîcheur de la jeunesse et une tendance naturelle vers les institutions socialistes.

L'impasse où sont arrivés les Etats de l'Europe est manifeste. Il leur faut nécessairement s'élancer vigoureusement en avant ou reculer plus qu'ils ne le font. Les antithèses sont trop inexorables, les questions trop tranchées et trop mûries par les souffrances et les haines pour pouvoir s'arrêter à des semi-solutions, à des transactions paisibles entre l'autorité et la liberté. Mais s'il n'y apasde salut pour les Etats dans la forme danslequelle ils existent, le genre de leur mort peut être bien différent. La mort peut venir par la palingénésie ou par la putréfaction, par la révolution ou par la réaction. Le conservatisme qui n'a d'autre but que la conservation d'un statu quo usé, est aussi destructif que la révolution. Il anéantit le vieil ordre, non pas par le feu ardent de l'inflammation, mais par le feu lent du marasme.

Si le conservatisme a le dessus en Europe, le pouvoir impérial en Russie non seulement écrasera la civilisation, mais il anéantira toute la classe d'hommes civilisés, et puis…

Et puis, nous voilà devant une question toute nouvelle, devant un avenir mystérieux. L'autocratie, après avoir triomphé de la civilisation, se trouvera face à face avec un soulèvement de paysans, avec une révolte colossale dans le genre de celle de Pougatcheff. La moitié de la force du gouvernement de Pétersbourg est basée sur la civilisation et sur la profonde division qu'il a fomentée, entre les classes civilisées et les paysans. Le gouvernement s'appuie constamment sur les premières, c'est dans le sein de la noblesse qu'il prend les moyens, les hommes et les conseils. En brisant dans ses mains un instrument si essentiel, l'empereur redevient tzar, mais il ne suffira pas pour cela de laisser pousser la barbe et de revêtir le zipoun. La maison Holstein-Gottorp est trop allemande, trop pédantesque, trop apprise pour se jeter franchement dans les bras d'un nationalisme à demi sauvage, pour se mettre à la tête d'un mouvement populaire qui ne voudra au commencement que régler ses comptes avec la noblesse, qu'étendre les institutions de la commune rurale à toutes les propriétés, aux villes, à l'Etat entier.

Nous avons vu une monarchie entourée d'institutions républicaines, mais notre imagination se refuse à concevoir un empereur de Russie entouré d'institutions communistes.

Avant que cet avenir éloigné se réalise, il s'accomplira bien des choses et l'influence de la Russie impériale en sera pas moins funeste pour l'Europe réactionnaire que l'influence de cette dernière le sera pour la Russie. C'est elle, c'est cette Russie soldatesque qui veut, par les baïonnettes, mettre une fin aux questions qui agitent le monde. C'est elle qui mugit et gronde comme la mer aux portes du monde civilisé, toujours prête à déborder, toujours frémissante du désir d'envahir, comme si elle n'avait rien à faire chez elle, comme si des remords et des vertiges troublaient l'esprit de ses souverains.

La réaction seule peut ouvrir ces portes. Ce sont les Habsbourg et les Hohenzollern qui solliciteront l'aide fraternelle de l'armée russe et la guideront au cœur de l'Europe.

C'est alors que le grand parti de l'ordre verra ce que c'est qu'un gouvernement fort, ce que c'est que le respect de l'autorité Nous conseillons aux petits princes de l'Allemagne d'étudier dès à présent le sort des princes royaux de la Géorgie, auxquels on a donné à Pétersbourg un peu d'argent, le titre d'altesse et le droit d'avoir une couronne royale sur leur voiture. L'Europe révolutionnaire, au contraire, ne peut être vaincue par la Russie impériale. Elle sauvera la Russie d'une crise affreuse et elle se sauvera elle-même de la Russie.

Le gouvernement russe, après avoir travaillé vingt ans, est parvenu à allier d'une manière indissoluble la Russie à l'Europe révolutionnaire.

Il n'y a plus de frontières entre la Russie et la Pologne.

Or donc, l'Europe sait ce que c'est que la Pologne, cette nation abandonnée de tout le monde dans une lutte inégale, qui depuis a versé à flots son sang 'sur tous les champs de bataille où il s'est agi de conquérir la liberté d'un peuple quelconque. On connaît ce peuple qui, après avoir succombé sous le nombre, a traversé l'Europe en triomphateur plutôt qu'en vaincu, et s'est dispersé dans les autres peuples pour leur enseigner, malheureusement sans succès, l'art de succomber sans fléchir, sans s'avilir et sans perdre la foi. Eh bien, on peut anéantir la Pologne, mais non pas l'asservir, on peut exécuter la menace de Nicolas de ne laisser sur la place de Varsovie qu'une inscription et un tas de pierres, mais la rendre esclave, à l'instar des provinces paisibles de la Baltique, c'est impossible.

Confondant la Pologne avec la Russie, le gouvernement a élevé un pont immense pour le passage solennel des idées révolutionnaires, un pont qui commence à la Vistule et finit à la Mer Noire. La Pologne est censée morte, mais à chaque appel elle répond «Présente», comme l'a dit, en 1848, l'orateur d'une deputation polonaise. Elle ne doit pas bouger, sans être sûre de ses voisins occidentaux, car elle en a assez de la sympathie de Napoléon et des célèbres paroles de Louis-Philippe: «La nationalité polonaise ne périra pas».

Ce n'est pas de la Pologne, ce n'est pas de la Russie que nous doutons, c'est de l'Europe. Si nous avions quelque foi dans les-peuples d'Occident, avec quel empressement eussions-nous dit aux Polonais:

«Votre sort, frères, est pire que le nôtre, vous avez beaucoup souffert, patience encore; un grand avenir est au bout de vos malheurs. Vous tirerez une vengeance sublime, vons aiderez l'émancipation de ce peuple par les mains duquel on a rivé vos fers. Dans vos ennemis, au nom du tzar et de l'autocratie, vous reconnaîtrez vos frères, au nom de l'indépendance et de la liberté».

Annexe

Sur la commune rurale en Russie

La commune rurale russe subsiste de temps immémorial, et les formes s'en retrouvent assez semblables chez toutes les tribus slaves. Là, où elle n'existe pas, elle a succombé sous l'influence germanique.Chez les Serbes, les Bulgares et les Monténégrins, elle s'est conservée plus pure encore qu'en Russie. La commune rurale représente pour ainsi dire l'unité sociale, une personne morale, l'Etat n'a jamais dû aller au-delà; elle est le propriétaire, la personne à imposer; elle est responsable pour tous et pour chacun, et par suite elle est autonome en tout ce qui concerne ses affaires intérieures.

Son principe économique est l'antithèse parfaite de la célèbre maxime de Malthus: elle laisse chacun sans exception prendre place à sa table. La terre appartient à la commune et non à ses membres en particulier; à ceux-ci appartient le droit inviolable d'avoir autant de terre que chaque autre membre en possède au dedans de la même commune; cette terre lui est donnée comme possession sa vie durant; il ne peut et n'a pas besoin non plus de la léguer par héritage. Son fils,aussitôt qu'il a atteint l'âged'homme, a le droit, même du vivant de son père, de réclamer de la commune une portion de terre. Si le père a beaucoup d'enfants, ils reçoivent après avoir atteint la majorité chacun une portion de terre; d'un autre côté, à la mort de chacun des membres de la famille, la terre revient à la commune.

Il arrive fréquemment que des vieillards très âgés rendent leur terre et acquièrent par là le droit de ne point payer d'impôts. Un paysan, qui quitte pour quelque temps sa commune, ne perd pas pour cela ses droits à la terre, ce n'est que par l'exil prononcé par la commune (ou le gouvernement) qu'on peut la lui retirer, et là commune ne peut prendre part à une pareille décision que par un vote unanime; elle n'a cependant recours à ce moyen que dans les cas extrêmes. Enfin, un paysan perd aussi ce droit dans le cas où, sur sa demande, il est affranchi de l'union communale. Il est alors autorisé seulement à prendre avec lui son bien mobilier, rarement lui permet-on de disposer de la maison ou de la transporter. De cette sorte, le prolétariat rural est chose impossible.

Chacun de ceux qui possèdent une terre dans la commune, c'est-à-dire chaque individu majeur et imposé, a voix dans les intérêts de la commune. L'ancien du village et ses adjoints sont choisis dans une réunion générale. On procède de même pour décider les procès entre les différentes communes, pour partager la terre et pour répartir les impôts. (Car c'est essentiellement la terre qui paie et non la personnel Le gouvernement compte seulement les têtes; la commune fait sa distribution de la somme totale en prenant pour unité le travailleur actif, c'est-à-dire le travailleur qui a une terre à son usage).

L'ancien (le starost) a une grande autorité sur chaque membre, mais non sur la commune; pour peu que celle-ci soit unie, elle peut très bien contrebalancer le pouvoir de l'ancien, l'obliger même à renoncer à sa place s'il ne veut pas se plier à leurs voeux. Le cercle de son activité est d'ailleurs exclusivement administratif; toutes les questions qui ne sont pas purement de police sont résolues, ou d'après les coutumes en vigueur, ou par le conseil des pères de famille, des chefs de maison ou enfin par la réunion générale. M. Haxthausen[18] a commis une grande erreur en disant que le président administre despotiquement la commune. Il ne peut agir despotiquement que si toute la commune est pour lui.

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