Избранные труды - Вадим Вацуро
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Таким образом, французские письма и дневниковые записи О. Сомова оказываются отраженными двойным светом. Предвещая новые открытия в русской литературе — и, прежде всего, открытия «души человеческой», — предвосхищая рефлектирующий тип письма в переписке литераторов 30-х годов (участников кружка Станкевича), они в то же время легко укладываются во французскую эпистолярную и литературную традицию.
Насколько хорошо владел Сомов французским языком? Вспомним, что к началу переписки Сомов только что вернулся из Парижа. Помимо критической и беллетристической деятельности, в это время он выступает и как «один из лучших» (по свидетельству Н. И. Греча) русских переводчиков с французского языка. С французского он переводит Вольтера, Буффлера, Жанлис, Лемонте и других. На французский язык им переведен IX том «Истории государства Российского» H. M. Карамзина.
Публикуемые письма и дневник также свидетельствуют о высоком мастерстве Сомова как литератора-билингва. Особенно интересны его искания в области стиля. Иногда для выражения одной и той же мысли в рукописи подбирается до четырех стилистических вариантов. «Hélas, ce droit est le seul dont je peux jouir», — пишет Сомов, заменяя далее вторую часть фразы на: «qui me soit rèservè», и т. д.
Первоначально употребленные руссицизмы заменяются впоследствии более адекватным французским идиоматическим выражением. «J’ai été comme sur des aiguilles» Сомов зачеркивает (ср. русское: быть как на иголках) и вписывает новый вариант: «J’ai été à la torture».
Вообще, чем спокойнее Сомов, тем безупречнее его французский язык. И наоборот, всякий раз внутреннее волнение сказывается в появлении руссицизмов (vous vous rirez вместо vous rirez и др.), грамматических и орфографических ошибок.
Основная масса ошибок приходится на случаи употребления значков accent aigu, accent grave, отрицательных частиц (je ne veux pas non plus вместо je ne veux non plus), порядок расположения местоимений, управление глаголов, согласование времен, а также употребление вспомогательных глаголов «avoir» и «être» (напр., «je ne suis nullement vous trahi»). Встречаются также ошибки, связанные с фонетическим письмом (toute suite вместо tout de suite).
При публикации текстов в настоящем издании их орфография приведена в соответствие с современными нормами правописания: проставлены надстрочные знаки, унифицировано употребление заглавных букв в именах существительных. Исправлены оговоренные выше грамматические ошибки в том случае, если это не вносило сколь-либо заметных изменений в общий характер построения фразы.
Переводами снабжены те части переписки и дневниковых записей Сомова, которые не были использованы в основной части книги (см. главы IV и V).
Се 30 avril 1821.Vous m ’avez permis de vous écrire, Madame: cette faveur me comble de joie: je pourrai donc confier au papier les sentiments que ma bouche, trop ti-mide près de vous, n’a jamais osé avouer. Il fut un moment où j’aurais pu ha-zarder cet aveu, mais dans ce moment je n’ai su que vous adorer: j’a vu le ciel se dévoiler devant moi et tout mon être est devenu le sanctuaire où brûlait l’encens le plus pur à la divinité que j’adore. Femme divine! vous m’avez vu plus humble et plus circonspect que jamais; à peine osai-je articuler quelques mots entrecoupés, à peine osai-je vous prodiguer des caresses les plus chastes, lors même que je ne pouvais plus maîtriser mes sentiments… Vous rirez en li-sant ces lignes, Madame! Vous rirez d’une pauvre créature qui s’est enhardie jusqu ’à vous adorer et même à vous le dire; et bien! mon état est déjà à plaindre, il ne pourra pas le devenir davantage; je me suis résigné à tout. Mais, du moins, imitez en indulgence ces habitants du ciel dont vous êtes ici la plus belle image; laissez-moi mon erreur, laissez-moi au moins un simulacre de félicité.
Chose étrange: j’affectais l’indifférence et même la froideur et en même temps mon cœur s’embrâsais. J’aurais peut-être dû vous cacher ma défaite pour m’épargner la honte de paraître ridicule à vos yeux; mais c’est un si grand bonheur pour moi de pouvoir vous dire que je m’étourdis sur les suites, que cet aveu pourra amener. Pardon, Madame, mille fois pardon si j’ai pu vous déplaire: plaignez-moi plutôt: l’espérance est cachée pour moi sous une crêpe funèbre.
Tout à vous pour la vie O. Somoff. Ce 1 Mai 1821.Ah, Madame, quelle soir ée que celle d’hier! Mon coeur se brise jusqu’en ce moment-si, malgré la contenance affectée que je tâchais de prendre… Soyez sincère et convenez que vous avez voulu m’humilier, et de quelle manière… Ce vin que vous me feriez à boire; non, plutôt un poison prompt et efficace qu’une goutte de ce vin, et le fatal je ne veux pas est parti de ma bouche. Oh! de quoi ne l’aurais-je racheté un moment après — j’ai été à la torture tout le reste du souper; je me suis cru perdu sans ressource dans votre esprit: un seul mot m’a rendu à la vie. C’est vous qui 1’avez prononcé, ce mot de grâce et de salut: j’ai vu que vous ne vous fâchiez plus et mes remords n’en étaient que plus puissants.
J ’ai été souvent victime de mes premiers mouvements: un emportement momentané avait coûté bien de larmes à ma mère, à la seule flemme qui aurait partagé avec vous, si elle vivait encore, les sentiments de tendresse et d’adora-tion que je vous voue maintenant sans partage. Et hier… ô que je voudrais perdre même le souvenir de cette soirée! à côté de moi 1’on m’insultait par un sourire infernal qui voulait dire: tu es perdu et j’en suis très aise! L’on ne se donnait pas même la peine de me cacher sa joie… Oh! si l’on voyait mes yeux enflammés, mon sang qui se portait à la tête; si l’on entendait le mot d’insulte et de menace qui volait déjà sur ma bouche.
Cependant j ’ai su me dompter. Dieu veuille lui pardonner comme je lui ai pardonné cette fois-ci.
Comment arrive-t-il, madame, que loin de vous je ne pense qu ’à vous? que lorsque je veux adresser un mot de compliment à une dame, votre nom est toujours sur mes lèvres? Que tout ce qui n’est pas vous, m’ennuie mortelle-ment? Hier j’ai été chez Izmaïloff; triste et rêveur, je ne disais que des mots sans suite. Arrive votre époux… et comme si quelque chose m’avait éléctrisé, je suis devenu gai et causeur; j’ai conçu l’espoir de vous revoir dans la soirée même.
Monsieur votre époux a eu la bonté de m’inviter à passer chez vous et je ne me le suis pas fait répéter une seconde fois; j’ai volé vers votre maison de sorte que j ’y suis arrivé, à pied, presqu’en même temps que la drochki de monsieur Ponomareff. Vainement je vous cherchais des yeux, vainement je rappe-lais ma gaîté; elle s’est envolée pour le reste de la soirée, et mon âme l’était aussi pour découvrir vos traces.
Adieu, madame! mon coeur n ’est pas encore à sa place: une inquiétude mortelle l’oppresse encore, Il se peut bien que vous n’avez pas tout-à-fait oub-lié ma faute; d ites-moi comment dois-je l’expier?
Votre esclave, soumis et repentant O. Somoff. Ce 2 Mai 1921.J’ai passé une nuit blanche, Madame: mais cette nuit était délicieuse; le plaisir ranime les forces: la preuve en est que je ne suis pas du tout abattu. Je n’ai été séparé de vous que par l’espace d’une chambre, j’ai été bercé par le souvenir de vous avoir vue endormie devant mes yeux; je respirais le même air que vous, l’air qui recevait des vibrations de voire haleine: que de délices! que de bonheur! Et ce bras nu glissant dessus la couverture, et cette figure enchanteresse plongée dans le sommeil, ce repos, cette tranquillité de l’âme qui se peignait sur vos traits… j’y serais resté jusqu’à votre réveil, si votre époux ne m’avait entraîné hors de la chambre. Aussi je n’ai pas pensé à dor-mir: une seule fois je me sentis la paupiere appesantie, mais cette espèce d’as-souvissement avait ses douceurs: votre image s’y reproduisait sous mille formes immortelles.
De gr âce, apprenez-moi. Madame! pourquoi j’ai été traité d’abord si froidement dans la soirée d’hier? Par quelle faute me suis-je attiré cette espèce de dédain avec lequel vous m’avez alors entendu et répondu? Est-ce ma lettre? Qu’y avez vous trouvé qui pût vous blesser? Non! vous n’avez pas dû donner une fausse interprétation aux expressions des sentiments les plus vrais et les plus purs.
Enseignez-moi à vous peindre les sentimens! pourquoi suis-je à demi muet en votre présence? C’est par le respect que m’impose la vue de l’objet que j’adore
pour la vie O. Somoff. Ce 3 Mai 1821.Une assez belle matin ée et la perspective d’une très belle journée — telles étaient mes espérances d’hier. Madame! oh! qu’elles étaient loin de se réaliser. Pourquoi suis-je allé sur cette fatale barque? Pourquoi ne suis-je pas retourné sur mes pas tout en arrivant chez vous? Pourquoi le malin m’a t-il poussé dans la barque où vous étiez avec votre époux? — Je l’ai attrappé ce regard de dédain que vous m’avez lancé, il m’a glacé le sang. D’autres regards que vous promeniez loin du bateau, annonçaient plus d’intérêt… J’ai eu l’hon-neur de vous dire, Madame, qu’un rien est capable de m’indisposer et d’ôter ma ga îeté pour le reste de la journée. Convenez que le triste rôle que J’ai dû jouer hier, n’était pas faîte pour m’égayer. Et pourquoi ne pas me laisser partir après avoir vu que tous mes efforts pour me rendre restant soient peu suppor-tables, restaient sans effet.
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